Pour débuter la réflexion en amont, voici le sujet déjà amorcé sur le site ici : http://mouvementetsi.blogspot.fr/2012/05/jarawa-propose-par-michael.html
Voici le plan qui a servit à la conduite du débat :
Débat sur la condition des peuples autochtones à l'époque de la mondialisation et de la modernité après la projection du documentaire "Jarawa, la rencontre interdite"
Introduction
Les peuples autochtones, ou peuples indigènes, sont « les descendants de ceux qui habitaient dans un pays ou une région géographique à l'époque où des groupes de population de cultures ou d'origines ethniques différentes y sont arrivés et sont devenus par la suite prédominants, par la conquête, l'occupation, la colonisation ou d'autres moyens »
- 370 millions de personnes présnets sur tous les continents, dont 70% en Asie.
1) Les Jarawa, cas particulier ou exemple généralisable à l'ensemble des peuples autochtones de la planète?
Un des derniers peuples de chasseurs-cueilleurs, établi depuis environ 70000 ans dans les îles Andaman, après leur migration hors d'Afrique (Théorie de "l'out of Africa"), mode de vie tribal, population très réduite (300 individus), fort isolement (insularité, forêt tropicale), lien fusionnel avec la nature (forêt, gibier, plantes, poissons, coquillages), immunité faible contre les maladies du monde extérieur, conservatisme (traditions ancestrales, culture traditionnelle, refus du changement et des intrusions), peuples proches: Grands Andamanais, Onge, Sentinelles, Jangil (éteints au début du XXième siècle), Aka-Bo (Eteints en 2010). Ont mieux résisté que les sociétes urbaines au tsunami de 2004 de par leur lien étroit avec la nature. Les Jarawa sont restés hostiles jusqu'en 1998. Construction d'une route qui traverse leur territoire en 2010 constituant une menace directe pour leur survie.
2) Des peuples oubliés et menacés:
A) Colonisation, déforestation,, urbanisation, pollution, intrusions sur leur territoire, surpopulation, accès aux ressources vitales, épidémies, conflits avec les ethnies majoritaires, introduction de substances addictives comme l'alcool ou le tabac.
B) Cas du Tourisme moderne: "Safaris humains" qui ont été dénoncés et condamnés internationalement, voyeurisme. Lien avec l'exposition au musée du quai Branly: "Exhibitions, l'invention du sauvage": Curiosité, fascination humaine vis-à-vis des ces peuples.
3) Des solutions à envisager pour sauvegarder et protéger ces peuples au sein d'un monde qui se globalise et s'uniformise
A) Droits déjà accordés à ces peuples: La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée par l'assemblée générale de l'ONU en septembre 2007La déclaration affirme notamment que les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination interne et qu'en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et recherchent librement leur développement économique, social et culture. Elle stipule que les peuples autochtones ne peuvent être expulsés de leur terre. Qu'ils ont droit aux ressources naturelles situées sur leur terre. La Déclaration devient la référence de l'ONU pour le respect des droits des peuples indigènes ; elle permet d'évaluer l'attitude des États envers les peuples indigènes, mais n'est pas doté d'effet contraignant en droit international. Il s'agit de Soft law.
- Exemple d'autonomie: Nunavut, territoire Inuit autonome au Canada.
- Restitution de terres aux indigènes: Maoris en Nouvelle-Zélande.
- Réserves indiennes au Canada et aux USA.
B) Conserver ces peuples dans l'isolement de la civilisation industrielle et technologique, dans le strict respect de leur mode de vie. Création de zones réservées, avec contrôle des autorités. Préserver et valoriser la diversité culturelle humaine en tant que patrimoine de l'humanité. Rôle des associations: Survival International, Icra International.
C) Accompagner ces peuples vers la modernité en les assimilant progressivement à la société moderne. "Néo-colonialisme", acculturation. Problème de la barrière culturelle et du langage. Une possibilité moralement et éthiquement discutable.
D) -Promouvoir des échanges respectueux des hommes et des cultures.
-Etudier leurs traditions et modes de vie de sans les perturber.
-Valoriser les pratiques écologiques et le tourisme responsable.
- Connaissance, recensement, promotion et sauvegarde des mémoires et cultures autochtones.
- Offrir une protection médicale pour ces populations (vaccinations, antibiotiques).
- Permettre et maintenir l'autosuffisance alimentaire, éducative, sanitaire et médicale.
Et voici une production écrite proposée par Michael : Jarawa, un peuple autochtone menacé de disparition
Dans le golfe du Bengale, au large de la Birmanie, se trouve l'archipel indien des Andaman, dans lequel vivent depuis des millénaires des peuples tribaux parmi les plus anciens de la planète.
Selon les dernières études scientifiques en date, ces peuples seraient issus des premiers hommes modernes qui sont sortis d'Afrique il y a environ 65000 ans (théorie de "l'out of Africa") et de ce fait revêtent une importance majeure pour la mémoire de l'humanité et la diversité humaine.
On distingue parmi ces tribus : les grands Andamanais (40 individus), les Jarawa (300 individus), les Onge (100 individus) et les Sentinelles, tribu la plus isolée du monde, et dont le nombre est inconnu (peut-être 200 individus?).
Ces peuples semi-nomades de chasseurs-cueilleurs vivent dans les forêts tropicales de leurs îles, en harmonie avec la nature, selon un mode de vie très proche de celui qui existait majoritairement sur Terre au paléolithique.
D'abord partie intégrante de l'Empire colonial britannique, ces îles sont ensuite tombées sous autorité indienne après l'indépendance de ce pays. Depuis, le gouvernement indien a favorisé l'installation progressive de colons qui sont maintenant au nombre d'environ 350000. Pour vivre, les colons ont construit des villages, coupé des arbres pour dégager des terres cultivables, ce qui a eu pour conséquences de réduire le territoire ancestral des Jarawa. Les Jarawa, autrefois farouches guerriers protégeant leur territoire, ont fini par se montrer plus amicaux avec les indiens et ont commencé à visiter pacifiquement leurs villages à partir de 1998.
Récemment, une route illégale qui traverse le territoire Jarawa, a été construite dans le but de relier la capitale Port-Blair au nord de l’île, constituant un risque sanitaire (les Jarawa n’étant pas immunisés contre les maladies des colons) et une nuisance pour le mode de vie de cette tribu. Certains touristes peu scrupuleux ont participé à des safaris humains, avec la complicité de la police locale, en empruntant la route illégale. Les médias occidentaux ont récemment dénoncé ces « safaris » et ont attiré l’attention sur ces peuples oubliés.
Quant aux Sentinelles, qui vivent en auto-suffisance sur leur île de North Sentinel depuis des milliers d’années, leur isolement total et leur hostilité permanente (ils éloignent tout intrus au moyen de flèches et de lances) leur ont garanti jusqu'à présent une protection naturelle efficace contre l’avancée de la civilisation industrielle globalisée.
La survie des Jarawa peut être le moyen d'illustrer à une plus grande échelle le devenir de tous les peuples autochtones de la planète, et de réfléchir aux possibilités qui s'offrent à nous pour respecter leurs modes de vie et leur diversité culturelle, face à la mondialisation de la culture industrielle occidentale dominante.
La création de réserves protégées, comme cela existe pour les Amérindiens aux Etats-Unis, peut être une solution à court terme pour éviter l’anéantissement physique de ces tribus, en les protégeant notamment des maladies extérieures et des substances addictives (alcool, tabac, drogues).
Concernant le tourisme, il conviendrait de favoriser une attitude responsable et respectueuse de la part des touristes lorsqu'ils fréquentent des régions où vivent des peuples autochtones, et d’interdire au contraire le tourisme voyeuriste qui peut s’exprimer à travers des « safaris humains » condamnables.
La restitution, aux peuples autochtones, des territoires spoliés au moment de la colonisation est aussi une possibilité qui a notamment été appliquée en Nouvelle-Zélande avec les Maoris, ou au Canada avec les Inuits (Territoire autonome du Nunavut).
Plus généralement, on peut se demander si les droits des autochtones doivent être supérieurs, égaux, ou inférieurs à ceux des peuples arrivés plus tardivement.
Tout ceci peut aussi nous faire réfléchir sur l'importance de préserver la diversité culturelle humaine, véritable mémoire vivante de l'humanité.
Je serai présent à ce débat, qui se déroule chez moi :)
RépondreSupprimerLa première question qui me vient et celle qui m'intéresserait de résoudre ce soir là, c'est de savoir comment on pourrait penser des modèles de société globaux en intégrant des particularités et des diversités locales. Je pense que le monde d'aujourd'hui ne permet plus à aucun individu, ni à aucune population de vivre en autarcie et je ne pense pas que ce soit un mal, cela connecte simplement tout habitant de cette planète au devenir de cette dernière, dans sa totalité. Cela impose une part de responsabilité à ces tribus, qui ne la demandaient certainement pas mais qui se trouvent, de fait, engager dans ce fonctionnement complexe dans lequel tout le monde est pris. Reste à savoir comment cela peut s'organiser tout en respectant la souveraineté de chaque peuple à disposer de lui-même.
Très intéressant, j'y serai!
RépondreSupprimerUn autre axe de réflexion pourrait concerner notre responsabilité vis-à-vis de ces peuples. En effet, nous disposons de technologies et de connaissances qu'eux n'ont pas (nous savons, par exemple, qu'ils vivent isolés au large de l'Inde, leur population approximative etc...), mais ce n'est probablement pas leur cas (savent-ils nous situer sur une carte? Combien nous sommes? etc...).
De ce fait, avons-nous le droit (voire le devoir) de les "civiliser" en leur apportant (imposant?) notre "modernité", ou bien devons-nous absolument respecter leur mode de vie naturel, même s'il peut nous paraître archaïque?
En effet, comme le suggère Damien, il serait intéressant de réfléchir à la place de ces tribus et à leur rôle dans notre monde moderne, à l'air du numérique et de la mondialisation.
RépondreSupprimerNotre rôle est-t-il de les protéger et de les préserver du monde extérieur, ou au contraire, comme le dit Neïké, de les accompagner progressivement vers la modernité, au risque d'être accusé de "colonialisme" et de ne pas respecter leur mode de vie ancestral?
l'idéal serait d'apporter à ce peuple le meilleur de notre monde moderne, tout en respectant leurs us et coutumes, ceux ci en échange nous apporteraient également leur savoir, leur sagesse . En quoi notre monde moderne nous donne le droit de nous sentir supérieur, nos technologies les rendraient elles plus heureux? je pense qu'un individu qui vit dans une hutte vétu très simplement est aussi important que l'individu qui vit dans une super villa habillé avec des vêtements de marque et avec sa "rolex" "l'habit ne fait pas le moine " et pourtant !!!!!!!!
RépondreSupprimerLa réflexion sur ce peuple est intéressante sur au moins deux points selon moi : d'abord elle permet de nous questionner sur les rapports que nous entretenons avec notre monde environnant, sur la portée de notre mode de vie et de notre civilisation allant bien au delà de notre propre sphère, sur nos liens avec nos alter-égo. Ensuite elle pousse aussi à un retour sur nous-mêmes, à une introspection sur notre vision du "bonheur" issu de la confrontation à une vision différente. Ce couple autrui/soi-même me parait essentiel et constitutif à la fois d'une construction de l'individu mais également d'une construction de l'homme plus globalement.
RépondreSupprimerConcernant la relation à l'autre. Nous savons incontestablement, et le documentaire nous le rappelle, que nous avons une influence sur ces peuples au-delà même de notre propre volonté, au-delà de ce dont nous en avons conscience. La pollution produite dans nos villes les touche, notre commerce, notre tourisme, notre organisation économique et politique aussi. Et nous avons pu avoir la confirmation, qui était sans doute déjà une évidence pour la plupart, que le simple fait d'entrer en contact avec eux bouleverse leur équilibre (maladie, instauration d'une dépendance, perturbation de la stabilité de leur modèle de société). Le simple fait, à mon sens, de les isoler ne règlerait pas la première difficulté. Ce serait un peu comme ériger, en pleine mer, des frontières avec du grillage, ça n'empêcherait pas à l'eau de passer. Aujourd'hui, ils sont embarqués dans le même monde que nous, inévitablement. Ils respirent le même air, pêchent dans une mer qui est commune à des sociétés développées et habitent cette planète dont l'avenir est désormais questionné, pensé. Je pense que, de leur point de vue, s'isoler serait presque une erreur pour les décennies à venir et causerait leur perte (n'est-elle déjà pas engagée?). N'a-t-on pas ce devoir de leur offrir, sans aucune obligation évidemment, cette possibilité de s'adapter au monde difficile (et quasiment incompatible à leurs traditions) que nous avons en grande partie créé? La solution ne se trouve donc certainement pas, à mon avis, dans une des deux attitudes extrêmes : les couper du monde pour "protéger" leur mode de vie (pour combien de temps?) / les intégrer de force au monde pour "sauver" leurs individus (à quel prix?). Il y a une posture intermédiaire à trouver, intelligente, modérée, pertinente sur le long terme si notre objectif est de les aider à disposer d'eux-mêmes, à décider de leur devenir. Il y a cette attitude bienveillante dont nous avons parlé, proche de celles des ethnologues qui ont voulu en savoir plus et faire ressortir toute la richesse de ces tribus (la curiosité en tant qu'ouverture à l'autre est toujours bienfaitrice). Il y a ce respect d'un peuple qui porte des choses incroyables (trace d'une société qui a peu connu le progrès, qui a su rester proche de ses origines, qui porte encore en elle l’innocence et la béatitude de la nature) et qui peut être vénéré juste parce qu'il est encore autre à l'heure où la mondialisation culturelle tend à harmoniser tous les modes de vie sur terre. Mais mélangé à cela, je pense qu'il peut aussi y avoir cet apport de l'extérieur, ces approches au monde qui nous permettent aujourd'hui à nous d'y survivre, de s'y épanouir parfois.
Je bascule dès lors sur mon deuxième point sur cette transition, puisqu'il y aussi à voir tout ce que eux peuvent nous apporter. Je ne m'étendrais pas trop là-dessus mais reviendrai seulement sur cette idée centrale pour moi de cette attitude qu'ils semblent avoir, face à la vie, face au temps qui s'écoule, face à leur monde et donc à la nature, face à leur proche. J'y vois avec éclat ce lien direct dont je parlais, non distendu, entre eux et le monde dans lequel ils sont. Là me semble être la plus grande richesse qu'ils ont à nous transmettre: cette attachement à rester lié, ancré au réel, à leur réel. La distance que avons intégrée dans notre rapport aux choses de notre environnement, de notre quotidien nous rend dépendants. Nous sommes dépendants de choses qui fluctuent, qui sont instables, qui ne durent pas. Eux le sont d'une nature qu'ils comprennent, qu'ils entendent, avec qui ils communiquent. Ils sont dépendants de quelque chose qui ne leur fera que rarement de surprise. Reconquérir un lien plus solide avec ce qui constitue notre vie, sur une base plus durable (la nature, le rapport humain, la pensée) peut nous mener vers une voie plus épanouissante. Il ne s'agit surtout pas de refuser la modernité, seulement d'avoir pleinement conscience qu'elle est éphémère.
RépondreSupprimerTout d'abord, c'était un débat avec beaucoup d'apports de la part de l'organisateur (Mickael),j'en ai pas mal appris hier, merci pour ça. Des échanges nombreux et intéressants, ainsi qu'un documentaire support pertinent et qui m'a mise dans le bain tout de suite!
SupprimerEn somme un moment réussi ; )
Pour rebondir sur ce que tu as dit Damien, je pense que tu as mis en lumière les deux principaux axes de réflexions d'hier. J'avoue ne pas arriver à me positionner réellement, notamment sur l'intervention de la communauté mondialisée. En effet, on nom de quoi devrions nous intervenir auprès de ces populations? Au nom de la charité de l'homme "moderne" à tendre la main à l'Autre, de lui donner son Savoir en pensant que ça peut les aider, leur apporter du confort.... Mais ne sommes nous pas encore dans de l'ethnocentrisme de nouveau et surtout ne nous trompons nous pas à encore vouloir apporter à l'autre? Qu'est ce que nous apportons à part une pomme empoisonnée? Certes notre monde possède des beautés mais qui seront toujours relatives à nos sociétés et voulons nous uniformiser encore et encore le monde dans lequel nous vivons? Ca me fait penser à un article sur le mythe de la caverne, et ma question est : qui serait éclairé ?