Que sommes-nous, mondes civilisés, craintifs des temps à
venir ; des assemblages de sociétés tentant de perdurer à travers les
siècles voire les millénaires? L’Histoire nous montre-t-elle fidèles à
nous-mêmes, tels que nous nous sommes fabriqués au cours des époques que
nous avons parcourues? Il semblerait que nous arrivions en bout de
course, que notre œuvre est derrière nous et que nos enthousiasmes
s'éteignent. Ne cherchons-nous pas à nous convaincre de l'illusion de
leur persistance afin de doter d'une aveuglante parure ce qui n'est en
fait plus que notre ombre.
Et bien que sommes-nous donc, sociétés modernes fragiles, peinant aujourd'hui à
convaincre du bien fondé de nos systèmes ; des patries qui font corps, autour d'idéologies et de devenirs communs, sur fond d'héritage culturel partagé? Nous ne parvenons pourtant plus à nous rendre fières des valeurs que nous produisons, ni des images que nous renvoyons. Les fantasmes que l'on pourrait encore susciter n'excitent même plus les désespérés, nos mécaniques ne sont presque plus que bonnes à fabriquer de la déprime.
Est-ce une nation que nous sommes, des frontières, un drapeau, un chant qui unit des particularismes locaux? Ces mots sonnent si creux, qui les entend encore? Sont-ce des grands hommes qui nous parlent, ceux que l'on érige en statue pour avoir donné leur âme à notre grande patrie. Elles doivent briller ces statues, pour donner envie de ressembler à ces morts qui illuminent ! Mais la lumière ne se crée pas, la fadeur d'un reflet dit tout de la pauvreté de sa source.
Alors quoi, sommes-nous une région à la géographie caractéristique, au climat propre et aux paysages reconnaissables, sommes-nous sa cuisine et son patois? Sommes-nous ce territoire délimité et ce quartier où nous vivons, sommes-nous la même chose que ce voisin que nous côtoyons? Tout cela paraît peut-être se rapprocher, mais à force de cerner cette identité de ce que nous sommes, au plus profond, cette chose se sauve : elle s'échappe en même temps qu'elle se préserve.
Sans doute dans ce cas sommes-nous ces groupes humains composés d’interactions privilégiées, faites d'échanges riches et joyeux mais aussi d'incompréhensions et d'ennui. Celles-ci semblent indispensables à ce que nous sommes, mais pourquoi nous font-elles parfois tant souffrir, pourquoi laissent-elles espérer des promesses qu'elles tiennent trop rarement? Bien qu'elles nous attirent, nous avons cependant cette certitude qu'une grande part de nous se situe ailleurs. A chaque fois que d'autres avec qui l'on se lie nous disent ce que nous sommes, cette entité virevoltante se sent oppressée et s'active de toutes ses forces pour s'enfuir là où l'on ne l'attend pas, là où l'on ne peut la saisir.
Est-ce un corps que je suis, cette matière palpable que je ressens si fortement, celle qui semble être intimement liée à ce qui pourrait être ce moi? Mais pourquoi ne m'obéit-il pas toujours, pourquoi échappe-t-il parfois aux modelages que je souhaiterais lui imposer? Quelque chose de ce que je suis cherche encore à se détacher de cet objet, je le juge lorsque j'observe son reflet, je me refuse à certaines images que les autres m'en renvoient.
Ce moi n'est-il pas plus simplement ce bond du je, cette force qui se dégage dans le langage de la partie de mon corps pleinement saisie qui dit Moi? Là encore, une infime substance résiste à la définition. Celle qui veut lorsque ce que je dis être ne le veut pas et celle qui ne veut pas quand ce que je dis être pense le vouloir.
Le gouffre béant s'ouvre alors, l'idée de cerner l'essence de ce que nous sommes serait-elle impossible? La déconstruction de tout jusqu'au plus intime n'a pas donné de réponse, nous arrivons face à ce curieux constat que notre intentionnalité même ne correspond pas exactement à notre être le plus proche; il y a souvent contradiction entre ce que nous voulons être et ce que nous sommes véritablement.
Qu'est-elle alors cette matrice insondable, d'où vient tout ce qui émane de moi? N'est-ce pas finalement dans ce qui nous fuit entre les doigts quand on tente de l'attraper que la solution se trouve? Ce que je suis, commence semble-t-il par ce que je suis déjà avant d'avoir voulu l'être. C'est ce surgissement au monde qui me devance, c'est cette vie qui me parcourt sans aucun besoin de mon consentement, c'est cette machine qui désire et qui me pousse, ce sont ces plaisirs et ces douleurs, ces peines et ces joies qui m'assaillent selon des logiques que je ne maitrise pas. Ce que je suis débute ici, en-deçà de moi, par des fondations dont je ne récupère que l'aboutissement et au sein desquelles je ne joue aucun rôle. Sans cela, rien; sans mon intentionnalité il y aurait quand même ça mais sans ça aucune chance que ne voie le jour une quelconque intentionnalité de ma part.
Un fragment de moi précède donc mon intention, la rend possible. Est-ce à dire cependant que là est mon fondement, ce fragment suffit-il à faire le commencement de ce que je suis? Jusqu'où devrais-je alors remonter pour découvrir les causes premières de mon avènement; sans doute jusqu'à l'infini et donc au néant : les conditions de ma naissance seraient si vastes que mon existence même se décomposerait dans cette totalité trop ample. Alors non, je ne suis pas réduit à ce chaos confus qui m'a engendré. On ne peut pas me ramener à cette cellule première, ni à cet ensemble d'organes qu'elle a ensuite organisé; direz-vous que c'est encore moi quand mon corps inerte ne sera plus que viande pourrissante?
Pour que cette ombre de moi-même m'appartienne, il reste à lui accoler une toute petite chose, une imperceptible énergie qui fera tout basculer, de l'obscurité à la lumière, d'une masse de l'univers inerte ou régie par ses propres lois à un territoire qui est le mien au sein duquel je fais loi. La conscience que je suis est née ici. Elle n'est rien sinon une rencontre. Elle ne forme qu'une invisible, presque inexistante membrane entre le réel qui me précède et une autre réalité que je produis presque malgré moi. Chronologiquement, il y a d'abord un monde sans moi, puis un monde qui me fait émerger en tant que potentialité, et enfin un monde dans lequel j'ai saisi cette chance pour matérialiser une virtualité qui aurait très bien pu ne jamais se manifester. Grâce à cet effort existentiel, je n'ai rien fait d'autre que de ramener le monde à lui-même. Pour lui, quasiment rien n'a changé, pour moi tout; je suis passé de l'absence à la présence, dorénavant je suis en lui. Et toute la genèse de mon apparition n'a plus aucune importance, je peux tenter de survivre indépendamment de ce qui m'a fait naître, je suis comme une bulle de savon ayant pris du volume dans son liquide créateur et m'envolant désormais après un ultime arrachement séparateur. Le fait que je suis n'appartient plus qu'à moi, je peux même décider de ne plus être, sans l'aval de quiconque. Ce que je constitue est vaporeusement là, autour de cet exemple que je me suis donné à moi-même lors de ma mise au monde. A partir de lui je tente de me convaincre toujours plus de cette présence, je veux être sûr que j'existe. Au début, je percute le réel pour sentir les vibrations qu'il renvoie de mes coups, pour prendre la mesure de la force que je peux appliquer sur lui, pour m'assurer que mes gestes, que mes cris, ne tombent pas dans le vide. Puis je comprends qu'il encaisse à merveille, que mes gigotements le font se mouvoir, certes, mais à peine et très succinctement car il retrouve sa forme d'origine trop vite. L'évidence c'est que dans ce combat, je ne gagnerai pas, qu'y a-t-il d'ailleurs à gagner? Ce que je souhaite désormais, c'est être, à partir de cette puissance dont je me sais maintenant responsable. Je suis cet élan de volonté à qui il reste encore à trouver sa finalité. Pour cela, le réel est mon allié, ce n'est qu'en lui que je peux véritablement m'arrimer, que je peux jouir de la preuve que je suis. Vouloir en moi, c'est impossible, la volonté n'est pas quelque chose qui se replie, au contraire, elle se déverse, elle s'exalte, elle se répand, elle a besoin de l'autre pour se sentir elle-même. Je dois la laisser divaguer à travers mon corps, aller chercher toutes sortes de saveurs au dehors pour construire son imaginaire, le mien, notre représentation du monde. Deux réalités coexistent alors, celle de l'espace dans lequel je me situe, réelle réalité car s'imposant à tout ce qui en fait partie. Et la mienne, celle que j'ai fabriquée à partir de la première mais qui est indépendante, autant voire davantage réelle pour moi, mais n'appartenant qu'à moi. Ce que je suis, c'est tout simplement ce que je décide de lier entre ces deux réalités. C'est lorsque je cherche à proposer une projection de mon imaginaire au monde partagé que je m'élance dans l'espace qui me fait exister. C'est dans le choc avec le monde des autres que je me révèle; pas le choc qui casse mais celui qui sonde, celui qui permet le retour de l'onde que j'ai émise, celui qui permet de savoir ce que l'on a ressenti de cette façon d'être que je me suis alors risque à incarner.
Ce que je suis, c'est ce que je veux être dans ce qu'il est possible que je sois; mon énergie intime est là, à partir de ce frémissement irréductible sur lequel personne d'autre que moi n'a de prise, mais qui reste soumis aux arrangements du possible. Je suis désormais seul face à ce que je fais de cela. Je ne suis pas responsable des limitations du champs des possibilités mais il ne tient qu'à moi de m'engager dans une voie plutôt qu'une autre, de même je ne pourrai reprocher à personne d'autre que moi le fait de ne pas m'engager du tout. Dès lors, soit je maudis ce qui m'est inaccessible et j'épuise cette énergie qui ne demande qu'à être. Soit je m'émerveille de toutes les occasions qui me sont offertes pour devenir et je tente de saisir celles qui me semblent les plus fécondes.
Ce devenir, je peux viser à le mettre en perspective pour donner plus de cohérence à une certaine étape de ma vie mais je peux également le laisser vagabonder à la découverte de nouvelles opportunités réjouissantes.
Ce corps que j'incarne, je peux tenter de le comprendre et de le maîtriser, je peux aussi le libérer de ses chaînes, ou encore goûter à travers lui les plaisirs de mes rencontres avec le monde des autres.
Mes relations avec ces autres, ces semblables plus ou moins proches, je peux les élire, les édifier en suggérant des façons d'être que j'aimerais adopter avec eux.
Ces identités auxquelles on me rattache, je peux les refuser et montrer à mon tour, en réponse, à quoi je me sens appartenir avec mes voisins. Je peux avec eux tenter de produire une image qui nous rendrait fiers de nos traits communs.
Nous pouvons ensemble décider ceux qui seront nos héros, ce que sera la panoplie de symboles qui nous caractérisera.
Écrivons également les règles qui nous permettront de vivre les uns à côté des autres. Définissons les projets qui nous rassembleront.
Et quittons enfin nos desseins millénaires si leur horizon ne nous séduit pas, laissons l'histoire que nous inventons par nos propres existences en écrire le prolongement.
Qui pourrait bien nous refuser cette liberté à part nos propres doutes? Qui même pourrait nous imposer toutes ces questions dont on ne veut pas encore entendre parler? Je souhaite être prêt à vouloir bâtir tous ces mondes partagés, je m'efforce tout autant à conserver la source la plus infime et autonome de ce qui me fait moi, dans ma plus grande particularité, insoumis à jamais : voilà ce que je veux être!
Et bien que sommes-nous donc, sociétés modernes fragiles, peinant aujourd'hui à
convaincre du bien fondé de nos systèmes ; des patries qui font corps, autour d'idéologies et de devenirs communs, sur fond d'héritage culturel partagé? Nous ne parvenons pourtant plus à nous rendre fières des valeurs que nous produisons, ni des images que nous renvoyons. Les fantasmes que l'on pourrait encore susciter n'excitent même plus les désespérés, nos mécaniques ne sont presque plus que bonnes à fabriquer de la déprime.
Est-ce une nation que nous sommes, des frontières, un drapeau, un chant qui unit des particularismes locaux? Ces mots sonnent si creux, qui les entend encore? Sont-ce des grands hommes qui nous parlent, ceux que l'on érige en statue pour avoir donné leur âme à notre grande patrie. Elles doivent briller ces statues, pour donner envie de ressembler à ces morts qui illuminent ! Mais la lumière ne se crée pas, la fadeur d'un reflet dit tout de la pauvreté de sa source.
Alors quoi, sommes-nous une région à la géographie caractéristique, au climat propre et aux paysages reconnaissables, sommes-nous sa cuisine et son patois? Sommes-nous ce territoire délimité et ce quartier où nous vivons, sommes-nous la même chose que ce voisin que nous côtoyons? Tout cela paraît peut-être se rapprocher, mais à force de cerner cette identité de ce que nous sommes, au plus profond, cette chose se sauve : elle s'échappe en même temps qu'elle se préserve.
Sans doute dans ce cas sommes-nous ces groupes humains composés d’interactions privilégiées, faites d'échanges riches et joyeux mais aussi d'incompréhensions et d'ennui. Celles-ci semblent indispensables à ce que nous sommes, mais pourquoi nous font-elles parfois tant souffrir, pourquoi laissent-elles espérer des promesses qu'elles tiennent trop rarement? Bien qu'elles nous attirent, nous avons cependant cette certitude qu'une grande part de nous se situe ailleurs. A chaque fois que d'autres avec qui l'on se lie nous disent ce que nous sommes, cette entité virevoltante se sent oppressée et s'active de toutes ses forces pour s'enfuir là où l'on ne l'attend pas, là où l'on ne peut la saisir.
Est-ce un corps que je suis, cette matière palpable que je ressens si fortement, celle qui semble être intimement liée à ce qui pourrait être ce moi? Mais pourquoi ne m'obéit-il pas toujours, pourquoi échappe-t-il parfois aux modelages que je souhaiterais lui imposer? Quelque chose de ce que je suis cherche encore à se détacher de cet objet, je le juge lorsque j'observe son reflet, je me refuse à certaines images que les autres m'en renvoient.
Ce moi n'est-il pas plus simplement ce bond du je, cette force qui se dégage dans le langage de la partie de mon corps pleinement saisie qui dit Moi? Là encore, une infime substance résiste à la définition. Celle qui veut lorsque ce que je dis être ne le veut pas et celle qui ne veut pas quand ce que je dis être pense le vouloir.
Le gouffre béant s'ouvre alors, l'idée de cerner l'essence de ce que nous sommes serait-elle impossible? La déconstruction de tout jusqu'au plus intime n'a pas donné de réponse, nous arrivons face à ce curieux constat que notre intentionnalité même ne correspond pas exactement à notre être le plus proche; il y a souvent contradiction entre ce que nous voulons être et ce que nous sommes véritablement.
Qu'est-elle alors cette matrice insondable, d'où vient tout ce qui émane de moi? N'est-ce pas finalement dans ce qui nous fuit entre les doigts quand on tente de l'attraper que la solution se trouve? Ce que je suis, commence semble-t-il par ce que je suis déjà avant d'avoir voulu l'être. C'est ce surgissement au monde qui me devance, c'est cette vie qui me parcourt sans aucun besoin de mon consentement, c'est cette machine qui désire et qui me pousse, ce sont ces plaisirs et ces douleurs, ces peines et ces joies qui m'assaillent selon des logiques que je ne maitrise pas. Ce que je suis débute ici, en-deçà de moi, par des fondations dont je ne récupère que l'aboutissement et au sein desquelles je ne joue aucun rôle. Sans cela, rien; sans mon intentionnalité il y aurait quand même ça mais sans ça aucune chance que ne voie le jour une quelconque intentionnalité de ma part.
Un fragment de moi précède donc mon intention, la rend possible. Est-ce à dire cependant que là est mon fondement, ce fragment suffit-il à faire le commencement de ce que je suis? Jusqu'où devrais-je alors remonter pour découvrir les causes premières de mon avènement; sans doute jusqu'à l'infini et donc au néant : les conditions de ma naissance seraient si vastes que mon existence même se décomposerait dans cette totalité trop ample. Alors non, je ne suis pas réduit à ce chaos confus qui m'a engendré. On ne peut pas me ramener à cette cellule première, ni à cet ensemble d'organes qu'elle a ensuite organisé; direz-vous que c'est encore moi quand mon corps inerte ne sera plus que viande pourrissante?
Pour que cette ombre de moi-même m'appartienne, il reste à lui accoler une toute petite chose, une imperceptible énergie qui fera tout basculer, de l'obscurité à la lumière, d'une masse de l'univers inerte ou régie par ses propres lois à un territoire qui est le mien au sein duquel je fais loi. La conscience que je suis est née ici. Elle n'est rien sinon une rencontre. Elle ne forme qu'une invisible, presque inexistante membrane entre le réel qui me précède et une autre réalité que je produis presque malgré moi. Chronologiquement, il y a d'abord un monde sans moi, puis un monde qui me fait émerger en tant que potentialité, et enfin un monde dans lequel j'ai saisi cette chance pour matérialiser une virtualité qui aurait très bien pu ne jamais se manifester. Grâce à cet effort existentiel, je n'ai rien fait d'autre que de ramener le monde à lui-même. Pour lui, quasiment rien n'a changé, pour moi tout; je suis passé de l'absence à la présence, dorénavant je suis en lui. Et toute la genèse de mon apparition n'a plus aucune importance, je peux tenter de survivre indépendamment de ce qui m'a fait naître, je suis comme une bulle de savon ayant pris du volume dans son liquide créateur et m'envolant désormais après un ultime arrachement séparateur. Le fait que je suis n'appartient plus qu'à moi, je peux même décider de ne plus être, sans l'aval de quiconque. Ce que je constitue est vaporeusement là, autour de cet exemple que je me suis donné à moi-même lors de ma mise au monde. A partir de lui je tente de me convaincre toujours plus de cette présence, je veux être sûr que j'existe. Au début, je percute le réel pour sentir les vibrations qu'il renvoie de mes coups, pour prendre la mesure de la force que je peux appliquer sur lui, pour m'assurer que mes gestes, que mes cris, ne tombent pas dans le vide. Puis je comprends qu'il encaisse à merveille, que mes gigotements le font se mouvoir, certes, mais à peine et très succinctement car il retrouve sa forme d'origine trop vite. L'évidence c'est que dans ce combat, je ne gagnerai pas, qu'y a-t-il d'ailleurs à gagner? Ce que je souhaite désormais, c'est être, à partir de cette puissance dont je me sais maintenant responsable. Je suis cet élan de volonté à qui il reste encore à trouver sa finalité. Pour cela, le réel est mon allié, ce n'est qu'en lui que je peux véritablement m'arrimer, que je peux jouir de la preuve que je suis. Vouloir en moi, c'est impossible, la volonté n'est pas quelque chose qui se replie, au contraire, elle se déverse, elle s'exalte, elle se répand, elle a besoin de l'autre pour se sentir elle-même. Je dois la laisser divaguer à travers mon corps, aller chercher toutes sortes de saveurs au dehors pour construire son imaginaire, le mien, notre représentation du monde. Deux réalités coexistent alors, celle de l'espace dans lequel je me situe, réelle réalité car s'imposant à tout ce qui en fait partie. Et la mienne, celle que j'ai fabriquée à partir de la première mais qui est indépendante, autant voire davantage réelle pour moi, mais n'appartenant qu'à moi. Ce que je suis, c'est tout simplement ce que je décide de lier entre ces deux réalités. C'est lorsque je cherche à proposer une projection de mon imaginaire au monde partagé que je m'élance dans l'espace qui me fait exister. C'est dans le choc avec le monde des autres que je me révèle; pas le choc qui casse mais celui qui sonde, celui qui permet le retour de l'onde que j'ai émise, celui qui permet de savoir ce que l'on a ressenti de cette façon d'être que je me suis alors risque à incarner.
Ce que je suis, c'est ce que je veux être dans ce qu'il est possible que je sois; mon énergie intime est là, à partir de ce frémissement irréductible sur lequel personne d'autre que moi n'a de prise, mais qui reste soumis aux arrangements du possible. Je suis désormais seul face à ce que je fais de cela. Je ne suis pas responsable des limitations du champs des possibilités mais il ne tient qu'à moi de m'engager dans une voie plutôt qu'une autre, de même je ne pourrai reprocher à personne d'autre que moi le fait de ne pas m'engager du tout. Dès lors, soit je maudis ce qui m'est inaccessible et j'épuise cette énergie qui ne demande qu'à être. Soit je m'émerveille de toutes les occasions qui me sont offertes pour devenir et je tente de saisir celles qui me semblent les plus fécondes.
Ce devenir, je peux viser à le mettre en perspective pour donner plus de cohérence à une certaine étape de ma vie mais je peux également le laisser vagabonder à la découverte de nouvelles opportunités réjouissantes.
Ce corps que j'incarne, je peux tenter de le comprendre et de le maîtriser, je peux aussi le libérer de ses chaînes, ou encore goûter à travers lui les plaisirs de mes rencontres avec le monde des autres.
Mes relations avec ces autres, ces semblables plus ou moins proches, je peux les élire, les édifier en suggérant des façons d'être que j'aimerais adopter avec eux.
Ces identités auxquelles on me rattache, je peux les refuser et montrer à mon tour, en réponse, à quoi je me sens appartenir avec mes voisins. Je peux avec eux tenter de produire une image qui nous rendrait fiers de nos traits communs.
Nous pouvons ensemble décider ceux qui seront nos héros, ce que sera la panoplie de symboles qui nous caractérisera.
Écrivons également les règles qui nous permettront de vivre les uns à côté des autres. Définissons les projets qui nous rassembleront.
Et quittons enfin nos desseins millénaires si leur horizon ne nous séduit pas, laissons l'histoire que nous inventons par nos propres existences en écrire le prolongement.
Qui pourrait bien nous refuser cette liberté à part nos propres doutes? Qui même pourrait nous imposer toutes ces questions dont on ne veut pas encore entendre parler? Je souhaite être prêt à vouloir bâtir tous ces mondes partagés, je m'efforce tout autant à conserver la source la plus infime et autonome de ce qui me fait moi, dans ma plus grande particularité, insoumis à jamais : voilà ce que je veux être!
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Je souhaitais vous faire partager ce texte que j'ai souhaité écrire pour faire l'introduction d'un travail que j'ai entamé depuis quelques mois maintenant et qui figure ici : https://sites.google.com/site/ideesenartaises/base-d-une-pensee au stade d'avancement où je l'ai laissé. J'ai formulé, sur ce site, des questionnements qui m'habitent quant au fonctionnement intime, premier, de notre monde. Ces derniers pouvaient éventuellement donner une impression mystique, trop rangés dans l'ordre du spirituel et pas assez ancrés dans le réel. J'ai donc essayé, à travers ce texte, d'inscrire ma réflexion dans quelque chose qui pouvait être plus parlant, davantage inscrit dans le temps, dans l'espace, dans la réalité du monde que nous vivons.
Par cet intermédiaire j'aspire éventuellement à ouvrir un dialogue avec ceux qui pourraient avoir des idées sur tout ça, une visions particulière, autre ou similaire, des choses. A partir des conclusions que j'ai pu faire, pour le dire vite, mon idée est de réfléchir aux différentes formes d'organisations sociétales qui seraient à mettre en place pour permettre l'épanouissement le plus fort possible de l'individu humain (dont j'ai donc tenté de saisir le fonctionnement au travers des écrits du site). Cet objectif étant désormais inscrit comme principal objectif de l'association, vous voyez ou je veux en venir. Toutes les bonnes volontés sont donc les bienvenues pour me rejoindre dans cette aventure, dans la confrontation d'idées, dans la construction, il y a également de la place pour écrire des textes sur le site pour ceux qui le souhaiteraient.
hey bien mon cher damien, j ai pris le temps de te lire et je suis impressionné par ta reflexion, je pense vraiment que tu as un reel talent!!! je crois savoir de quoi tu veux parlé et je pense que tu n est pas le seul a te poser toutes ses questions.l etre humain est si complexe que ce soit physiologiquement que psychologiquement .et je crois parfois avoir du mal a maitriser...en tout cas tres beau texte
RépondreSupprimerMerci Lolo pour ce commentaire et ces encouragements. Se demander comment il fonctionne cet être humain, c'est déjà un début de réponse ...
Supprimer"Qui sommes nous" est un texte qui finalement revient à réfléchir sur l'essence de la vie, un texte qui fait écho aux prémisses de la philosophie grecque.
RépondreSupprimerTu nous apportes une base de réflexion sur l'Homme. Tu nous apportes ta vision et ton analyse sur l'époque contemporaine d'un point de vue éthique. Qui sommes nous aujourd'hui dans ce monde qui ne rejoint finalement plus aucune de nos valeurs d'hommes.
Tes questionnements je les rejoints, tout comme Laura.
Finalement comment exister dans ce monde qui n'est pas celui que l'on voudrait qui soit ? Comment, dans ce monde perverti, puis-je redonner du sens à ce que "je suis vraiment avant de vouloir"?
D'ailleurs tu différencies l'être du vouloir et je crois que tu touches à quelque chose de fondamental. Aujourd'hui on baigne dans un monde où la projection vers ses désirs est considérée par nous-même, par la société comme un fait, une réalité, un état de l'être.
A l'échelle de la société il est simple de voir que le désir n'est pas réel, je fais référence à la politique notamment. Le principe de l'élection joue sur cette double dimension être et désirer, leurs promesses qui sont nos désirs sont appréhendés comme des faits, des états... Or nous le voyons tous les jours, la promesse, le désir, c'est fumeux !!!
Mais malgré cela, tout désir pousse à devenir, ça oui. C'est surement ça que tu nommes "volonté de puissance". Je l'ai compris de cette façon, à savoir, chercher à se dépasser et à être ce que l'on veut vraiment. D'où la nécessité de s'affranchir au plus de la culture dans laquelle on baigne et d'essayer de plonger au coeur de nos valeurs individuelles. Car nos désirs positifs, ceux qui nous permettent de nous dépasser sont différents de ceux provoqués par notre société (beaucoup plus futiles et pervers).
L'idée c'est de transcender ces valeurs en réalité par l'outil qu'est le désir et sa force de projection.
Ce texte est intelligent et poétique.
Merci de l'avoir partagé avec nous. Ton site a l'air très riche et extrêmement bien construit.
Je propose qu'on se prévoit malgré tout un temps autour de cela, de la question "Qui sommes nous" afin que tu nous présentes ta philosophie et le site que tu as créé et que bien sûr cela crée de nouveaux échanges peut-être plus philosophiques !
Je crois que cela peut permettre qu'on construise réellement des temps où l'on réfléchisse à l'essence de notre existence et de la façon dont on pourrait le mieux s'y rapprocher dans notre vie.
Ton questionnement est légitime et, à mon sens, inéhrent à toute forme d'organisation sociétale, aussi simple soit-elle: comment trouver une forme d'égalité? Comment équibrer libertés individuelles et collectives, droits et devoirs etc...?
RépondreSupprimerLe questionnement plus personnel relève plus, à mon avis, de ce que l'on appelle couramment "développement personnel" et rejoint directement l'atelier "la liste de mes envies" (en tout cas, c'est comme cela que je l'avais pensé à l'époque).
J'ai trouvé une partie des écrits un peu pessimistes ("Finalement comment exister dans ce monde qui n'est pas celui que l'on voudrait qui soit ? Comment, dans ce monde perverti, puis-je redonner du sens à ce que "je suis vraiment avant de vouloir"?) et je vais me faire ici volontairement l'avocat du diable en étant polémique, l'idée étant de pousser la réflexion un peu plus loin et de faire avancer le débat.
"Il semblerait que nous arrivions en bout de course, que notre œuvre est derrière nous et que nos enthousiasmes s'éteignent. Ne cherchons-nous pas à nous convaincre de l'illusion de leur persistance afin de doter d'une aveuglante parure ce qui n'est en fait plus que notre ombre."
A te lire, on dirait que c'est la fin du monde et qu'il n'y a plus rien à faire, ce qui n'est bien évidemment pas le cas. Une oeuvre, nait tout d'abord sous forme d'idée, germe sous forme abstraite, puis éclot sous forme concrète, jusqu'à se développer et soit perdurer dans le temps, notamment via les générations futures, soit dépérie et meure d'elle-même. A mon sens, nous devons rechercher des objectifs à atteindre, mettre en oeuvre les moyens d'y arriver, et tenter de faire "effet boule de neige" afin qu'une réaction en chaîne, initiée par un petit groupe, prenne de l'ampleur et touche lesconsciences qui prendront ensuite le relais. Tout n'est pas à jeter dans notre monde, mais beaucoup de choses sont à améliorer. A mon boulot, un collègue m'a dit un jour: "si chacun faisait son travail, pas plus, pas moins, juste son travail, tout irait beaucoup mieux". J'élargis donc ce concept à la vie de tous les jours: si chacun fait son travail d'Homme, à savoir tenter d'améliorer - avec ses moyens, ses limites et ses faiblesses, mais aussi avec son enthousiasme, ses envies et ses rêves - le monde dans lequel il vit, alors tout ira beaucoup mieux.
"D'où la nécessité de s'affranchir au plus de la culture dans laquelle on baigne et d'essayer de plonger au coeur de nos valeurs individuelles. Car nos désirs positifs, ceux qui nous permettent de nous dépasser sont différents de ceux provoqués par notre société (beaucoup plus futiles et pervers). "
Je ne suis pas tout à fait d'accord là-dessus. Mon point de vue pourra paraitre cynique, mais généralement, ceux qui réussissent dans la vie (j'entends par "réussite" la réussite économique, "sociale" au sens de statut social, ainsi que professionnelle en terme d'évolution et de promotion de carrière) sont ceux qui ont compris les règles du jeu, c'est à dire les mécanismes sous-jacents au fonctionnement du système sociétal dans lequel ils vivent, et qui du coup savent en tirer le meilleur parti.
Bien sûr, il y a toujours eu (et, je l'espère, il y aura toujours) des individus qui iront à contre-courant et qui réussiront, mais ce ne sera jamais la majorité. De ce fait, "s'affranchir de la culture dans laquelle on vit", des désirs "provoqués par notre société" n'est pas nécessairement un facteur d'épanouissement personnel au sens que cela n'amènera pas forcément à la réussite évoquée précédemment.
A mon sens, le moyen le plus "simple" de réussir est encore d'utiliser le système comme un outil sur lequel s'appuyer. On peut bien sûr, au nom de sacro-saint principes, se dresser face au système et passer sa vie à être un "indigné", un révolté, un anti-quelque chose, mais cette position présente deux inconvénients non négligeables. D'abord, celui qui s'oppose à l'ordre établi, à la pensée unique et au conformisme, s'expose à l'opprobre public et doit donc mobiliser d'énormes quantités d'énergie pour faire face et tenir. Ensuite, les empêcheurs de tourner (penser?) en rond ne sont absolument pas sûrs que leur combat aboutira; en revanche, ce dont ils peuvent être certains, c'est qu'on leur mettra des bâtons dans les roues por faire échouer leurs revendications.
RépondreSupprimer"Ce qui nous précède", comme le dit Damien, n'est donc pas nécessairement un fardeau, un problème, pourvu que l'on sache s'en servir pour mieux rebondir et avancer.
"Et bien que sommes-nous donc, sociétés modernes fragiles, peinant aujourd'hui à convaincre du bien fondé de nos systèmes"
Toujours ce fichu système qui nous dépasserait, nous écraserait de tout son poids et qui, par définition, serait mauvais.
Premèrement, un système n'est ni bon ni mauvais, il est plus ou moins bien utilisé (et utilisable) par certains. Deuxièmement, un système n'est que par notre (in)action et ne saurait perdurer si l'on se donne vraiment les moyens de s'y opposer (manifestations, boycott, lobbies, grèves, révolutions...).
"Nous pouvons ensemble décider ceux qui seront nos héros, ce que sera la panoplie de symboles qui nous caractérisera."
Tu soulèves ici un point très intéressant à mes yeux. La construction des valeurs, de la morale, des mythes, des légendes et des héros fondateurs, est un pilier central dans la fierté que peut tirer un peuple de son pays. Néanmoins, de nos jours, la force des valeurs et l'image des héros semblent quelque peu écornées, au point qu'on peut se sentir un peu perdu sans ces références, si rassurantes en temps normal.
C'est pourquoi, il peut être intéressant de (re)définir nos propres valeurs, trouver nos modèles (réels ou imaginaires) afin d'avoir une ligne de conduite, un "fil rouge moral" à suivre dans nos vies. Certains ont trouvé la solution dans la religion, d'autres dans une éducation stricte. Je pense pour ma part que l'on peut aussi passer par une réflexion approfondie et essayer de côtoyer des gens qui ont les mêmes principes éthiques et moraux que nous.
Vos réactions m'aident bien à préciser ma réflexion, et je vous rejoints sur la plupart des points.
RépondreSupprimerPauline, ta distinction entre l'être et le vouloir est très intéressante. Aujourd'hui on a tendance effectivement à privilégier l'être (voire l'avoir) au détriment du vouloir, alors qu'on ne peut être que si l'on veut, mais inversement on ne peut pas vouloir sans être. Il s'agirait donc de réconcilier ces deux notions. Pour le désir comme moteur premier de l'être humain je te rejoints évidemment de même.
Néanmoins, je partagerais plutôt l'avis de Neïké sur les limites de la remise en question perpétuelle de la réalité telle qu'elle existe (société, monde, politique, ...), et que l'on souhaiterait changer. La solution n'est donc, selon moi, pas de s'affranchir fondamentalement des valeurs existantes pour replonger dans ce qui serait "notre existence individuelle", mais plutôt de s'en autonomiser de façon à être capable, en s'appuyant sur ce qui est déjà, de produire ce qui peut devenir, de mettre en mouvement notre capacité individuelle à fabriquer des possibles nouveaux, partageable collectivement. Et cela, Pauline, tu l'as bien illustré avec l'idée de dépassement.
C'est donc sur ce point cependant, Neïké, que je m'éloigne de toi. Quand tu parles de réussite, cela m'évoque une idée très conventionnelle de ce que pourrait être une vie réussie : carrière au sein de laquelle on a grimpé petit à petit les échelons pour arriver à une position importante, construction d'un foyer traditionnel au sein duquel notre vie de couple fonctionnerait bien (au moins en apparence) et nos enfants seraient bien éduqués, et éventuellement une petite passion dans laquelle on pourrait s'épanouir en se divertissant gentiment pour préparer la retraite. Je caricature volontairement, mais il me semble que cette réussite est surtout celle d'un modèle qui aura su nous imposer une façon de vivre davantage que celle d'un développement personnel élaboré à partir de nos plus intimes envies, que tu avais très bien suggéré lors de l'évènement que tu avais animé. "S'appuyer sur le système", comme tu le dis, reste donc la formule idéal. Entre une acceptation trop subie d'une société qui est là pour faire adhérer à ses modèles et un refus total de ce qu'elle a d'effectivement positif pour l'individu à proposer. S'appuyer sur le système, ce serait tout d'abord le connaître, saisir sa mécanique, et y appliquer une force qui est profondément la nôtre afin de le dépasser.
La construction du texte n'était donc peut-être pas claire, mais c'est à ça que je voulais arriver. En première partie, je dressais effectivement un portrait sombre, pour créer de la distance, pour inviter le lecteur à prendre du recul vis-à-vis des modèles prêt-à-l'emploi, tout fait pour chacun de nous. L'idée était, dans un premier temps, de déconstruire toutes ces strates superposées que l'on nous colle à la peau dès notre naissance, qui nous éloignent de notre intimité propre. Puis, une fois atteint le cœur de ce que nous sommes véritablement, tous de façon différente, montrer qu'il était possible d'intégrer des collectifs en restant nous-mêmes.
De ce point de vue, l'histoire et les figures passées doivent là aussi être des sources d'inspiration, mais toujours à dépasser. Et au contraire, c'est cette dynamique là qui me rend personnellement tout à fait optimiste, qui met en mouvement mon envie de vouloir, d'être et de construire le monde avec les autres.
Entièrement d'accord avec toi.
RépondreSupprimerLa réussite dont je parle est non seulement normative, puisque socialement calibrée, mais aussi loin de pouvoir être source d'épanouissement personnel pour tout le monde.
Néanmoins, force est de constater qu'il est généralement plus aisé de s'y conformer, quitte à faire quelques entorses (plus ou moins inconscientes d'ailleurs) à nos envies profondes, plutôt que de s'écarter du moule social pour pouvoir vivre selon ses aspirations personnelles.
J'oserai le propos de "calcul rationnel" sur ce coup là. Chacun doit définir le calibrage pour maximiser son intérêt, son épanouissement, ce qu'il a à y gagner, entre ces deux extrêmes, dont l'un me semble quand même plus dangereux que l'autre, à savoir le conformisme.
SupprimerDe son côté, la subversion peut effectivement faire endurer une vie difficile, pleine de conflits, de souffrances. Je ne parle pas d'une certaine subversion qui pourrait finalement se rattacher à du conformisme, comme par exemple aller à l'encontre des règles de la société pour prouver sa valeur à un groupe. Je parle de la subversion que l'on a soi-même choisie, décidée, voulue. Dans le pire des cas, si l'on s'est trompé sur toute la ligne dans notre combat, on va se retrouver en opposition aux autres jusqu'à la fin de notre existence, avec la maigre consolation d'avoir suivi ses convictions jusqu'au bout. En dehors de ces cas très exceptionnels, dont il faudrait développer l'analyse, mais qui me paraissent plutôt relever de la quasi incapacité interne à s'accorder à l'autre, la subversion prend sa source dans le monde environnant. Elle est une rencontre entre une sorte d'attente latente de l'ensemble auquel on appartient et notre volonté rendant possible et réalisable la finalité de cette attente. Le combat ainsi mené aura donc toujours fait avancé, aussi infime que soit le progrès, la cause en devenir. C'est le cas de certains Hommes se battant toute leur vie pour quelque chose, ou ayant voué leurs jours à une œuvre artistique, qui ne seront reconnus qu'après leur mort. Souhaitons expérimenter cela? C'est une bonne question. Ne sommes-nous pas cependant grandement bénéficiaires aujourd'hui de ces efforts faits généreusement par le passé? Avons-nous une dette vis-à-vis de cela? Je ne pose que des questions.
Il reste quand-même une bonne partie d'individus ayant combattu, ayant œuvré pour quelque chose, et qui ont pu goûter les fruits savoureux de leur travail, qui ont pu constater les effets de celui-ci. Ceux-là ont dû ressentir vivement la réalité de leur existence, c'est ça qui me semble être le cœur de la vie humaine. Le choix du conformisme tire un trait définitif sur tout cela, rien d'exaltant n'est possible si l'on se laisse guider, si l'on préfère le plus aisé en se laissant bercer par les forces qui nous entourent qui, elles, ont choisi de se réveiller.
L'effet boule de neige dont tu parles, m'évoque clairement l'idée d'une impulsion de départ, prenant de l'ampleur ensuite. Et cette impulsion, c'est tout l'inverse de l'acceptation des choses telles qu'elles sont. Ce n'est se mettre en opposition non plus, c'est juste puiser dans ce qui existe pour créer ce qui va devenir. Et ça c'est subversif, parce que ceux qui ont créé ce qui existe ou qui possède ce qui existe, n'ont aucune envie que ça devienne autre chose. Et que font-ils, ils retiennent l'évolution normale des choses qui est le changement.
Un autre point que je n'avais pas évoquer sur ta première réponse : celui des figures qui guident. Dans la même logique, il me semble qu'une figure est intéressante à ériger en symbole dès lors qu'elle donne la force pour puiser en elle et la dépasser. A te lire, j'ai eu le sentiment que tu souhaitais restaurer des symboles tels qu'ils ont souvent été utilisés par le pouvoir jusqu'à maintenant, un peu comme des reliques qui arrêtaient l'Histoire. C'est à dire comme des moments de gloire passée qu'il serait bon de respecter éternellement car plus rien de mieux ne pourrait se faire. Ce qui me gêne ici c'est toujours cette capacité que l'on enlève aux individus de construire le monde à venir, de le faire à partir du passé certes, mais pour le dépasser et pour faire vivre la "machine du temps qui évolue".
Il y a eu beaucoup de choses de dites avant que je ne puisse réagir de nouveau, aussi, je ne vais donc pas répondre sur tout mais juste sur ce qui me tient le plus à coeur disons...
RépondreSupprimerNeiké quand tu parles de la société et que tu affirmes que "le moyen le plus "simple" de réussir est encore d'utiliser le système comme un outil sur lequel s'appuyer", je dirais que tu pars d'un postulat intéressant à savoir : le système comme levier de réussite et de mise en place d'un cadre favorable à l'épanouissement de l'homme.
Ce point de départ est bien évidemment censé et pertinent. En effet, aujourd'hui la réussite sociale d'un homme se mesure à la façon dont il s'est construit une place dans la société (famille, emploi, éducation, richesse). Actuellement, un homme totalement inséré dans la société s'inscrivant totalement dans la culture "commune" obtient un statut, une légitimité une place. Mais je pose la question, tout en connaissant la réponse, le système en tant que système est-il réellement construit pour inclure toute la population que constitue la société ?
Et que faire si ce n'est pas le cas ( et ce n'est pas le cas) ?
Il me semble qu'il est au contraire fondamental de se recentrer sur des valeurs, des désirs et des volontés,qu'un homme face à un autre homme peuvent assouvir. En d'autres termes, je pense que l'épanouissement personnel ne se trouve pas dans notre rapport à la société mais justement dans notre rapport à nous-même, à autrui et à la nature. Ce que je veux dire c'est que l'épanouissement de l'homme, se trouve dans autre chose que dans la place que nous donne la société par rapport, à notre mérite, à nos compétences ou encore par rapport à notre salaire annuel!
Ca ce serait finalement un macro-épanouissement, un épanouissement de la société , mais étant inscrit dans un système qui exacerbe les inégalités, il semble centrale de trouver de nouveaux modes de raisons d'exister et de kiffe!
Damien, lorsque tu poses les questions suivants : "Ne sommes-nous pas cependant grandement bénéficiaires aujourd'hui de ces efforts faits généreusement par le passé? Avons-nous une dette vis-à-vis de cela? " Je trouve que ce sont des questions "justes". Et j'aurais mon avis à donné la dessus, je crois fondamentalement que tout homme se construit par ce qu'on lui inculque à travers un passé, une histoire et l'Histoire. Je crois que les sociétés ont évolué car à chaque époque, les hommes souhaitaient d'affranchir de leur culture "actuelle". Et je crois aussi que depuis l'époque moderne, finalement on essaie tous d'avancer en repensant à un passé qui signifiait plus pour l'homme.
Autrement dit, je crois que l'homme a une dette envers le passé, envers ce qui le constitue! C'est grâce au passé qu'il est ce qu'il est aujourd'hui et c'est aussi grâce à lui qu'il veut s'émanciper et transformer la culture, le système, les modes de vie.
En somme, je crois que ce qui nous pousse à avancer, c'est l'idée qu'avant c'était mieux et qu'aujourd'hui doit changer... Je pense également que d'un point de vue micro social, l'homme a des chances d'être épanoui et heureux dès lors qu'il trouvera d'autres modes de satisfaction que par le système même...
Que sommes nous ? vaste question!!!!!! Certains jours on croit avoir tout compris et en quelques minutes, après un événènement, une discussion, une critique d'un proche toutes nos valeurs, nos croyances sont bousculées .
RépondreSupprimerJe pense que notre principal adversaire est nous même, en effet notre personne a tellement été bien formatée( les parents, le système scolaire, la société, parfois la religion etc)" pour bien réussir, être quelqu'un de bien" que nous sommes sans cesse tiraillés entre notre nature rebelle et l' image que nous devons donner à la société.
Aussi faut-il accepter d'être souvent en lutte avec soi même, avec ses contradictions, ses échecs, ses victoires, ses revirements et ses questionnements.
Mais écoutons aussi la petite voix qui nous dit : t'as pas la rolex, t'as pas un physique facile, t'es pas bardé de dipômes t'as pas un emploi qui fait réver, t'es pas un super orateur mais tu es toi ! et tu es aussi important que celui qui possède toutes les qualités précédentes, tu as soif d'apprendre, tu te nourris au contact de gens diffèrents de toi, tu essaies de faire , à ton petit niveau, des choses pour la planète, tu critiques, tu approuves, tu râles, parfois tu en veux à la terre entière, tu déprimes et tu rebondis, tu es vivant tu existes, n'est ce pas l'essentiel de ton existence!!!!!
Prenons du recul face à nos héros, nos modèles , nos ancétres qui nous ont inspiré mais qui ne sont que des êtres humains, avec leur part d'ombre et de lumiére, aucune chaine ne nous lie à eux car nous sommes les seuls acteurs de notre vie .