"On a perdu, on a gagné, on s'est bien amusés" (proposé par Damien)

En ce mois d'Euro, et en ce lendemain de défaite de notre équipe de France de football, cet article publié sur le site du Monde me paraissait intéressant et plein de relativisme vis-à-vis des passions que ce sport suscite chez une grande partie d'entre nous.

Vice-champion du monde en 2006, Vikash Dhorasoo préside Tatane (www.tatane.fr), mouvement pour un football joyeux et durable. Chaque semaine, retrouvez ses chroniques dans le cahier Sport&forme du "Monde".
Mardi dernier, la France a perdu. Enfin, pour être précis, l'équipe de France de football a perdu mollement son troisième match de l'Euro 2012 contre l'équipe de Suède. "Insupportable", "honteux" pour de nombreux spécialistes.


Pourtant, comme le disait le Kaiser Franz : "Au foot, il n'y a qu'une seule possibilité : perdre, gagner ou faire match nul." Ou encore Ronaldo la lose - le Brésilien, pas le Portugais : "On a perdu parce qu'on n'a pas gagné." Lorsqu'un match débute, on sait que l'on peut perdre. C'est même toute la beauté et le plaisir du jeu : la défaite au football n'a pas de conséquences graves, contrairement à une fermeture d'usine, une élection fâcheuse ou une erreur de manipulation dans une centrale atomique.

Il y a aujourd'hui peu d'espaces dans notre société dans lesquels on a le droit de perdre. Pourquoi diable la déroute face à la Suède du galactique Zlatan est-elle devenue grave ?

"Honte ", "humiliation", "défaite insupportable", "aucun amour-propre"... On pensait ces mots réservés à d'autres domaines. Vivons-nous vraiment dans un monde dans lequel onze gars qui encaissent deux buts sont censés faire honte à tout un pays ? Que s'est-il passé pour que nous placions tant de choses, dont notre honneur, sur le dos de quelques post-adolescents aux capacités sportives hors normes ?

Après vingt-trois matchs sans défaite, la France du foot a eu honte de son équipe, honte de joueurs censés représenter une cause dont ils n'ont jamais entendu parler. Deux ans après Knysna, la France du foot ne sait toujours pas perdre, et encore moins apprendre de ses défaites.

De l'avis général, les joueurs de l'équipe de France ont plutôt mal joué, face à une équipe détendue parce que éliminée. Ils se sont tout de même qualifiés et nous ont donc offert la joie de pouvoir assister à un France-Espagne en quarts de finale d'un Championnat d'Europe. Une belle promesse pour tous ceux qui aiment vraiment le football.

Pour le reste, les joueurs savent très bien comment ils ont joué et en partie pourquoi. Ils sont des sportifs de haut niveau et détestent perdre, maladivement. Nous, commentateurs, après ces matchs, nous avons des sujets d'échange quasi infinis qui stimulent l'imagination ! Je ne vois pas ce que le mot "honte" vient faire là-dedans.

La beauté du foot tient aussi aux millions de points de vue et de regards sur un même geste, sur un même sport. Les commentateurs amplifiés (Larqué, Balbir, Ménès, etc.) préféreraient qu'on "la ferme" et qu'on les écoute déverser leur haine populiste. Personnellement, je préfère simplement couper le son.

Je n'ai jamais attendu des joueurs de foot qu'ils soient des exemples pour mes enfants ni des représentants de la France. Je vais régulièrement voter pour élire des gens pour cela. Comme l'a si bien dit le joueur russe Archavine après l'élimination de son équipe à l'issue des phases de poules, ce sont les attentes projetées sur les joueurs qui sont problématiques, pas les joueurs.

Qui est en droit de juger où placer le curseur du "bon" Français , du "bon" exemple ? Combien de supposées victoires pour avoir le droit d'être aimé ? La supposée image de l'équipe de France existe-t-elle ailleurs que dans les médias qui en vivent ? A quel moment a-t-on mérité son statut, son salaire, sa notoriété ? Pourquoi la faculté à résister au stress ou la capacité à prendre des décisions dans l'instant sur un terrain serait moins valorisée que dix années d'études ? On juge une société à la façon dont elle traite ses perdants. En cas de défaite face aux Espagnols, on saura un peu plus dans quel pays nous vivons.

5 commentaires:

  1. Article intéressant en effet.
    De mon point de vue, l'essentiel est résumé dans la phrase "ce sont les attentes projetées sur les joueurs qui sont problématiques, pas les joueurs".
    Il serait peut-être alors intéressant de s'interroger sur la nature profonde de ces attentes, ainsi que les raisons qui nous poussent à le faire, et questionner leur légitimité.
    Je ne suis pas très versé dans le sujet des comportements des supporters dans les stades, mais je crois savoir qu'il existe une thèse qui circule selon laquelle les matchs sont une sorte d'opium du peuple, un lieu de défoulement, un exutoire, sans lequel une certaine partie de la population "pèterait les plombs" si elle ne pouvait déverser ses frustrations, sa colère, sa haine et ses réactions et pulsions les plus "animales" dans les tribunes.
    On pourrait également s'interroger sur l'influence de l'effet de groupe sur les comportements et réactions des foules, effet comiquement chanté par Brassens "sitôt qu'on est plus de quatre on est une bande de cons".

    RépondreSupprimer
  2. C'est sur que ces onze joueurs ne sont pas censés représenter l'image d'un pays entier, mais pour moi le football est tout de même le reflet de la société. Ces jeunes confiants, qui pensent avoir déjà tout vu, tout vécu et qui ont de moins en moins de respects pour les plus vieux, ont été formaté par la société Française actuelle. Tu parles de Vikakh, ce dernier a d'ailleurs expliqué pas plus tard qu'hier que ces joueurs sont issus de centres de formation et où ils n'ont pas forcément eu la bonne éducation. Ils sont dans leur bulle et n'ont que pour seul projet de réaliser une fantastique carrière et de gagner de l'argent. Quid des projets collectifs ? Nothing ! La génération 87 bourrée de talent dans les pieds mais remplie de néant dans le crane ne fera rien au niveau international.
    Je pense personnellement qu'il faut completement revoir le système de formation à la Française qui a fait nos belles années.

    Après de toute façon, il faut toujours un perdant, mais on peut être bon perdant et se battre en portant fierment les couleurs d'un maillot qui nous a déjà tant fait vibrer ! Si tu regardes bien, des pays avec beaucoup moins de talents que nous (Grèce, Rep. Tchèque, Pologne) sont rentrés dignement au pays car ils ont livré des matchs plein d'enthousiasme et plein d'envie, et qu'ils se sont pas montrés vulgaires envers les journalistes. Mais ça c'est un autre problème... Les médias!

    RépondreSupprimer
  3. Il est vrai que ces joueurs de foot ne sont pas les éducateurs de nos enfants mais ils les font rêver quand ils portent le maillot de la France avec enthousiasme, avec générosité et cette admiration est toujours la, même en cas de défaite de l'équipe.

    Il est vrai que certains spectateurs trop en attente de leur équipe de foot ont parfois un comportement très fanatique avec un jugement peu objectif , ou seule la victoire par n'importe quel moyen est attendue.

    Les centres de formation remplissent ils bien leur rôle éducatif ? sportif, enseignement scolaire et moral, car ces jeunes s'ont éloignés très tôt de leur famille. Ces structures les enferment dans des bulles ou ils sont déconnectés de la réalité.

    Les cadres du foot ,indétronables, les agents de joueurs les médias n'attendent que la monnaie!!!!!

    Aussi, en écoutant les journalistes relater les provocations de nos joueurs moi aussi ma premère réaction a été de les traiter de sales gosses, surtout quand j'entends qu'ils vont toucher une prime!!!! je trouve cela indécent alors que tous les jours des gens crèvent de faim!!!!

    Cependant Je crois qu'il n'y a pas que le foot qui est en crise mais toute notre société qui est menée par la finance, le pouvoir, la télé réalité , la presse people, nos politiques sont également souvent déconnectés de la réalité. Nous sommes donc tous responsables mais c'est vrai que les joueurs de l'équipe de France ne sont pas Monsieur et Madame tout le monde et le moindre dérapage fait la une des journaux!!!!!

    RépondreSupprimer
  4. Et pour changer un peu des classiques photographies de l'Equipe et consorts:
    http://www.boston.com/bigpicture/2012/06/euro_2012_soccer_championship_1.html

    RépondreSupprimer
  5. Énormes les photos!
    Pour le reste je crois ne plus avoir grand chose à ajouter, tout à été dit.
    D'abord je trouve très intéressante cette idée de voir le monde du football comme un exutoire aux supporters qui ont besoin de vider leur sac de problèmes quotidiens. La société ne fonctionne pas et ne parvient pas à résoudre ses difficultés qui se répercutent sur ses citoyens, qui n'ont pas d'autres réactions possibles qu'une expression de cette passion qui ne serait autre qu'une colère refoulée.

    Ensuite, le football est effectivement complètement déconnecté du monde auquel il appartient pourtant. Les joueurs ne parviennent plus à s'inscrire dans une réalité sociale, ils ne jurent plus que par leur projet personnel de carrière (ce qu'on retrouve d'ailleurs chez certains grands businessman et qui s'avère aussi problématique). Où est passé l'intérêt profond et primaire du sport collectif : la solidarité avec ses partenaires, la valeur de l'effort, du dépassement, la possibilité d'exister pour ceux qui sont issus des classes populaires?
    Notre société actuelle dont l'idéologie principale semble être la performance, pousse les individus à s'imaginer des parcours au dessus d'un réel qui est vu comme limitant. Alors que c'est bien ce réel, et ayant certainement la plus grosse part, qui est responsable de la "starification" de ces joueurs. Enlevons les équipements sportifs, les stades, les clubs, les centres de formations, les sponsors, les médias, les supporters; quel rôle, aux yeux des autres, garderait un mec qui sait jongler avec un ballon?

    Il me semble donc important de redéfinir ce qu'est ce sport et ce qu'il ne pourra jamais être. Il est un jeu avant tout, où l'idée de perdre y est inhérente. A haut niveau, il permet de transmettre des valeurs, d'inspirer ceux qui le regardent. On devrait donc sans doute retenir des individus qui partagent ces valeurs plutôt que se concentrer seulement sur leur performance sur le terrain.

    RépondreSupprimer

Merci d'indiquer un nom qui nous permettrait de savoir qui vous êtes en sélectionnant l'onglet "nom/URL"