Parce qu'on parle énormément au sein du débat public de "faux travailleurs", parce que beaucoup d'entre nous pensent que les sans domicile fixe "ne se bougent pas et profitent du système"... Voici un extrait du dernier rapport de l'INSEE (institut nationale de la statistique et des études économiques) sur la population sans domicile fixe, datant de 2003:
29% des sans domicile fixe occupent un emploi, la plupart du temps comme ouvrier ou employé, et 36% en recherchent un, montre une étude de l'Insee. On savait déjà depuis longtemps que, contrairement aux idées reçues, la plupart des SDF ne sont pas désocialisés ni en rupture avec le monde du travail. Mais c'est la première fois que cela est démontré statistiquement.
L'étude souligne également que, parmi les SDF qui travaillent, la plupart ont un emploi précaire. Ainsi, en janvier 2001, seul un quart étaient en CDI. D'où une ancienneté dans leur emploi généralement faible: 58% y sont depuis moins de six mois, contre 11% pour le reste de la population. Malgré cette précarité, il n'est pas rare que certains d'entre eux gagnent 1 000 ou 1 200 euros chaque mois.
Cependant, du fait de la précarité des emplois, ces personnes se voient refuser l'accès à un logement dans le parc social qui demande des CDI. Et par ailleurs, ce revenu est insuffisant pour accéder au parc privé dans la plupart des grandes villes.
La première question que je vois, en amont de ta réflexion, c'est celle de l'emploi. Comment est-ce possible qu'une société ne soit pas organisée de façon à ce que quelqu'un qui veut travailler n'en ait pas l'occasion?
RépondreSupprimerEnsuite par rapport à ton texte, ce qui est encore plus problématique, c'est de savoir comment quelqu'un qui travaille, qui participe donc à l'effort collectif, ne puisse pas en récolter les bénéfices au moins sur ce qui constitue le minimum de la dignité humaine (besoins alimentaires et logement)?
La difficulté est sans doute moins liée au loyer mensuel (car avec le SMIC, sans avoir d'enfants à charge, je pense que c'est possible de s'héberger, pas à Paris c'est sûr mais en banlieue) qu'aux barrières financières à l'installation (caution, 3 dernières fiches de paie en CDI, frais d'emménagement, ...). Il me semble cependant avoir déjà entendu parler d'un organisme qui pouvait se porter caution en intermédiaire à ces personnes qui ne répondaient pas aux critères fixés par les propriétaires. Une sorte de banque solidaire qui avance la caution et qui peut se porter garant, qu'en est-il?
Autre chose enfin, est-ce-que la totalité de ces SDF n'ont pas accès au logement parce que cela leur est refusé ou bien certains refusent-ils les conditions de logement qui leur sont proposées?
Pour commencer je tiens à te dire que je suis tout à fait d'accord par rapport à la question que tu poses à savoir: "comment est-ce possible qu'une société ne soit pas organisée de façon à ce que quelqu'un qui veut travailler n'en ait pas l'occasion".
RépondreSupprimerCa devrait être au coeur des débats politique et c'est une question primordiale dans l'équilibre sociétale.
Mais au delà de cela, je voulais donner un première piste qui pourrait déconstruire les représentations des personnes à la rue. Je souhaitais, entre autre, parler de ce que font la plupart des personnes sans domicile ou du moins ce qu'elles cherchent à faire.
Dans ta réponse, tu parles également d'un axe tout à fait central: au delà de pouvoir travailler, qu'en est-il du fruit de notre travail? Tu parles de minimum de dignité humaine et on en est là. Aujourd'hui au XXIème siècle, la société qui en mouvance ne s'attarde toujours pas à réfléchir en profondeur à cette question.
Les personnes sans abri qui travaillent et qui essaient de sortir de la rue sont face à plusieurs problématiques entremêlées les unes aux autres. L'équation travail--> logement --> insertion est fausse.
Les personnes à la rue sont des personnes "cassées", "désocialisées" et marginales. Trouver un travail leur donne la possibilité de remettre un pied dans le secteur des "affiliés" mais cela ne signifie pas qu'ils sont prêts, indépendants et autonome pour retrouver un logement "classique" et pérenne.
D'où tout le dispositif mis en place par les pouvoirs publics "dispositif d'insertion" (composé de centres d'hébergements...). La pertinence du dispositif est là mais il n'y pas de assez de places pour ceux qui en auraient besoins et qui en font la demande.
Pour finir, l'accès au logement et non plus à l'hébergement est possible, mais reste rare. Disons qu'il existe des moyens pertinents pour contrer cette injonction à être 'riche' pour se loger. L'organisme dont tu parles est le Loca Pass mais il ne couvre pas toutes les exigences....
Le logement et le travail à mettre au coeur du débat en remplaçant "l'économie et le pouvoir d'achat"
Merci beaucoup Pauline pour ce billet fort intéressant et instructif.
RépondreSupprimerJ’ignorais qu’une telle proportion de SDF travaillent. S’il est vrai que ce chiffre casse une idée reçue (en tout cas de mon côté), il n’en n’est que plus révoltant.
Je pense que Damien et toi avez très précisément, et de manière complémentaire, ciblé le cœur de la problématique.
Cela me fait penser à un bouquin que mon père a lu il y a une dizaine d’année, un sociologue belge qui s’est volontairement mis à vivre en SDF pour pouvoir les étudier « de l’intérieur ». Dans son livre (que je n’ai pas lu), je me souviens simplement qu’il en était arrivé à la conclusion qu’il existe une « limite » au-delà de laquelle toute réinsertion dans la société est tout simplement impossible.
moi je pense que le fait qu'ils travaillent c'est une tres bonne chose, mais leurs travails leurs permettent t-ils de sortirent de la spirales negatives dans laquelle ils sont ? j'entends par là je pense pas qu'ils font un travail dans des conditions opposées a leur façon de vivre ( usines: locaux sales, y fait froid, vettements sales ) je pense donc qu'il n'y a pas de cassure entre leur vie de SDF et leur travail precaire. une idée utopique serait de realiser une reel frontiere entre leur vie et leur travail pour les faire tendre vers quelque chose de plus positif en leur donnant un travail où ils ont une tenue correcte, des locaux correctes etc ... pour ma part je pense reellement que le fait qu'ils travaillent leur permettent malheuresement juste de s'accrocher a la vie et non de sortir du monde "sdf" que faire pour leurs permettrent d'avoir une image non negative aupres des gens?
RépondreSupprimerJe vois tout a fait ce que tu veux dire rikou quand tu parles "d'image négative". Et tu mets le doigt sur quelque chose qu'on n'a pas abordé. L'image négative que tu relèves c'est peu dire. Les personnes en errance, sont des personnes déconstruites, sans estime de soi, sans confiance, sans narcissisme. Elles sont au paroxysme du désamour de soi. Et je suis d'accord, ce n'est pas le travail qui garanti sortir de ce milieu. C'est en effet beaucoup plus complexe, le travail n'est qu'une partie de la reconstruction de la personne. Le rapport au corps, l'image de soi (tenues correctes..) sont des points essentiels pour aider ces personnes. Après en effet, ce n'est pas l'habit qui fait le moine mais disons que le travail de revalorisation par l'image impulse de façon positive les personnes. Après pour l'image négative auprès des gens,je propose de poser la question autrement: pourquoi a-t-on une image négative des sans abri, à quoi cela nous renvoie-t-il? comment s'est elle construite?
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