L’ours blanc de Gilles Aillaud, par Neïké

L'autre jour, je suis allé voir l'exposition "Beauté animale" au Grand Palais et j'y ai vu ce tableau.

Cette œuvre m'a inspiré une petite réflexion personnelle, que je partage avec vous ici. Il s'agit d'un premier jet, j'ai écris comme ça venait:

L’ours blanc de Gilles Aillaud est une peinture dont l’interprétation peut se faire, selon moi, selon trois niveaux de lecture.


S’il semble qu’Aillaud ait voulu simplement représenter les conditions d’incarcération des animaux dans les zoos, dont l’existence est réduite à une vie morne et sans but, et donc critiquer le sort que nous réservons aux animaux, j’y vois là une métaphore de la vie de l’Homme moderne. Lovés dans notre petit confort, notre capacité à agir est anesthésiée, nos motivations et nos envies réduites à néants, tous nos désirs étant comblés par l’offre pléthorique de la société de consommation. De ce fait, nous aussi nous sommes comme ce pauvre ours blanc, réduits à une vie morne et sans but, mais nous sommes notre propre bourreau. En nous contentant de notre confort, nous perdons notre énergie et notre capacité à nous indigner et à nous engager, voire même à réfléchir. D’ailleurs, je vois également dans ce tableau une critique du monde moderne qui a progressivement coupé l’Homme de ses racines, c'est-à-dire de ses liens avec la nature. Ici, la fausse banquise symbolise cette séparation nette avec le milieu naturel, le mur étant tout simplement, avec ses barreaux, l’incarnation des parois de cette prison que nous avons-nous-même construite et dont nous avons du mal à nous échapper. D’ailleurs, la figure de l’ours, emblématique de cette nature menacée par l’Homme, représente également notre nature animale, et nous rappelle que nous appartenons nous aussi au règne animal, malgré toutes nos avancées technologiques. Néanmoins, toute la modernité ne peut pas entièrement se substituer au naturel et n’est donc pas apte à nous rendre pleinement heureux, tel cet animal coupé de son milieu naturel et dont la vie ressemble à une lente agonie.
Mais par delà ces considérations métaphoriques, ce tableau peut également être une véritable invitation à réfléchir sur nous même, dans un jeu de miroirs dont cet ours blanc ne serait que le reflet de notre propre existence et de notre condition animale et humaine. De ce fait, notre responsabilité est alors double : nous avons le devoir, de par notre supériorité technologique, de protéger les autres espèces, mais nous avons aussi la capacité et la responsabilité de prendre notre destin en main, de ne pas nous laisser enfermer dans des normes, codes et autres habitudes qui ne nous sont pas forcément bénéfiques. S’il ne s’agit pas de revenir au temps des cavernes, ni de stigmatiser la modernité dont les apports sur la qualité de vie sont indéniables, il est également important de ne pas oublier qui nous sommes, d’où nous venons, ce que nous pouvons apporter à ce monde et ce qu’il peut nous apporter en retour. La vie n’est qu’un grand continuum, et les frontières entre les espèces, les époques et les lieux peuvent être mouvantes, fluctuantes, plus ou moins floues, et surtout, elles peuvent varier au cours de l’Histoire puisque soumises aux appréciations culturelles propres à l’Homme. Dès lors, ne serait-il pas intéressant de réfléchir à la façon dont nous pouvons allier modernité et nature dans un tout cohérent et harmonieux, afin d’être pleinement ce que nous voulons être ?

2 commentaires:

  1. Très beau texte avec une lecture extrêmement fine de l'image que tu réussis vraiment bien à exprimer sous forme d'idée, de discours. Cette analyse transmet une véritable motivation en pointant le doigt, selon moi, sur ce qui peut constituer la clé d'une vie heureuse. On aura vu la référence nietzschéenne à la fin de l'écrit.

    Tu en as parlé, mais je pointerais pour ma part encore sur ce mur en fond, composé de vitres au travers desquelles n'importe quel visiteur pourra observer "la déchéance", et pourtant, la situation reste la même ...

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  2. En voyant ce tableau je n'y voyais pas tout ça donc félicitation pour ta réflexion et merci de la faire partager car sinon ma pensé et mon ressenti serait restés a ce que tu dis qu'Aillaud voulait transmettre et que pour le coup j'avais intercepté.

    Bientôt une nouvelle sortie au musée ? En espérant que je puisse être la s'il y en a une.

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