L'intérêt écologique (par Damien)

Le message écologique s'est aujourd'hui imprégné avec ténacité dans les grandes questions de société. Il est présent dans les discours politiques, sans doute moins central aux prochaines élections présidentielles qu'aux précédentes, mais il n'en demeure pas moins un impondérable dans un programme. Il figure, en termes d'orientations et d'engagements, dans la quasi-totalité des organisations publiques (États, collectivités territoriales, établissements publics divers) et la majorité des grands groupes privés. Et, enfin, il revient assez régulièrement dans le quotidien de chacun d'entre nous, que ce soit dans la communication ou dans les actes.



La mesure du sujet a donc été prise, accordant à notre époque un rôle décisif à jouer à ce niveau. Une série d’évènements et d’analyses de ces évènements nous y ont encouragé, bien entendu, mais rien qui ne pourrait constituer encore une obligation, une fatalité. Il faut voir ici un positionnement, une lecture particulière du cours des choses qui nous amène à penser ainsi.

Du point de vue de l’interprétation des évolutions climatiques dans lesquelles notre présent est actuellement situé, et de l’empreinte que nous avons sur notre environnement, c’est une prise en compte du temps long et du phénomène dans sa globalité dont il faut nous féliciter. La pensée systémique et complexe a semble-t-il remplacé une grille de compréhension plus linéaire, largement usitée jusqu’à maintenant, et qui a montré ses limites. Au-delà de ça, si on laisse de côté le cœur même de la problématique écologique, ses causes, ses conséquences, un aspect formidable s’est également développé en parallèle, en termes d’effets non pas physiques liés à la thématique en elle-même mais plutôt humains et sociaux.

Depuis la prise en compte de l’impact que nous avons sur notre environnement, une sorte d’idée d’humanité unie, embarquée dans la même aventure, a pris forme, avec du coup une réappropriation de notre histoire (au moins biologique et géologique), et une réflexion engagée sur notre avenir, ainsi que la conception d’une interaction accrue entre les individus. La notion de responsabilité humaine est par conséquent apparue avec tout ce que cela peut entrainer dans les décisions à prendre, les actions à mener, qui portent désormais un poids plus important et qui se doivent nécessairement d’être plus mûrement pensées.

Tout ça semble très positif et stimulant pour le futur, mais une dérive est possible. De responsable, la frontière est assez facilement franchie pour devenir coupable. Et autant la perspective individuelle d’entrée dans une histoire humaine plus intelligente, et d’y participer pleinement, est motivante, autant celle de se voir sermonner parce qu’on n’a pas suivi la voie pieuse peut être déconcertante. Alors que tout cela pourrait représenter une possibilité extraordinaire, la reprise morale de cette nouvelle dynamique par un certain nombre qui désignerait les bonnes conduites, les comportements vertueux, et les mauvaises attitudes, pourrait en faire obligation inefficace.
Le modèle d’une vie irréprochable à ce niveau là n’existe tout simplement pas car nous pourrions toujours trouver dans le quotidien du parfait écolo’ un point où apporter des améliorations quant à son influence sur son environnement. En tant qu’espèce vivante nous avons forcément une interaction avec notre milieu de vie dans lequel nous puisons pour perdurer ; en tant qu’être social, cette interaction s’en retrouve inévitablement multipliée. La question est plutôt sans doute de réfléchir à l’équilibre de l’alchimie riche et complexe à laquelle nous participons : est-ce-que je puise/nous puisons au rythme de la régénération qui s’opère ?

Voyons donc là l’occasion qui nous est offerte, et les postures opposées qu’elle engendre selon qu’on la saisit ou non. Soit l’on se ferme à ce qui nous entoure sans ne rien comprendre à la nature qui est merveilleusement présente autour de nous, et sans saisir cette possibilité de créer du lien intelligent avec nos semblables. Soit on décide, non pas au nom d’une cause morale mais bien d’un intérêt propre, de se laisser aspirer par cette mouvance qui doit viser à replacer l’individu au cœur de son environnement, qu’il soit naturel ou social (les deux pouvant très largement se recouper), et ainsi lui permettre d’accroitre son plaisir à exister. Il n’y a, dans l’absolu, aucune voie obligatoire et autoritairement à imposer collectivement. Il y a cependant une voie à prendre pour l’individu, ou à ne pas prendre, avec toute l’évidence que cela comporte de faire partie de cette marche comme nous l’avons expliqué, mais rien n’oblige personne à ne faire que les meilleurs choix les concernant. C’est d’ailleurs sans doute parce qu’on ne se rend pas compte de l’intérêt d’une décision que nous ne la prenons pas.
Tout est donc plutôt affaire d’éclaircissement, d’information, de dialogue dans cette affaire que de chercher à convaincre l’autre, à lui imposer sa vision des choses et à attribuer au modèle privilégié une catégorie de bien ou de mal. Personne ne doit ni ne peut prendre cette décision à la place d’un autre. Chacun a le dernier mot pour son propre compte, en fonction de ce qu’il y juge intéressant, le mot pour les autres en garde-t-il vraiment une légitimité et même une consistance ?

3 commentaires:

  1. Je suis assez d'accord avec ce que tu avances sur le principe "d'écocentisme" plutôt positif en soi puisque cela signifie qu'on est en train d'ouvrir les yeux et de comprendre où l'on vit. Sans limiter le reste de ce que tu as avancer, je vais me focaliser sur la fin sur laquelle j'ai un autre regard que je souhaiterai partager avec toi.

    Si j'ai bien tout saisi tu avances que finalement si aujourd'hui certains citoyens ne saisissent pas l'intérêt écologique, les pratiques écologiques (...) c'est parce que quelque part ils ignorent de quoi il s'agit réellement, ils sont en manque d'informations.

    Pour tout te dire, je pense que ce point de vue est pertinent pour ce qu'on appelle la population, le citoyen lambda mais les grands groupes industriels, les grandes entreprises, ces personnes qui sont à la tête de multinationales font-elles partie de ces personnes mal informées?

    Je comprends cette idée de donner de nouveau aux personnes une sphère d'action sur leur existence et sur l'environnement et c'est juste mais ne faut-il pas également à ce même titre entendre que bien des gens au pouvoir (pouvoir politique, pouvoir en terme de marché... )s'astreignent à penser chiffre d'affaire et à se foutre totalement de demain, de la terre, de l'éco système !

    Ca me fait penser au film qui est passé au SILO sur l'or water, on en est là aujourd'hui et c'est en ça que ça devient dangereux si nos dirigeants sont entêtés! Ces hommes ont connaissances des risques et dégâts qu'on encoure mais n'en tiennent pas compte. Je prône le "didact'" de l'écologie responsable pour les grandes entreprises et pas seulement des cellules d'informations plus poussées.

    Je pense qu'il est important que chaque citoyen se remette en question mais encore plus, que les personnes qui ont les clés en mains soient rappelées à l'ordre, soient cadrés!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette réponse est intéressante, et nous permet d'approfondir véritablement ce qui est au cœur de la problématique.

      Je ne pense pas que ce soit un manque d'information sur la question étant donné, comme je le disais, l'importante présence de la prévention écologique dans tous les domaines aujourd'hui (médiatique, d'éducation, politique, ...).

      Ce sujet pourrait être élargi à bien d'autres, et il est décisif en ce sens. Il recoupe finalement la notion du choix/de la décision de l'humain. Avoir cette grille de lecture : "il y a ceux qui respectent la logique du développement durable et ceux qui ne la respectent pas, il y a ceux qui sont du côté du bien et ceux qui sont du côté du mal" n'est selon moi pas en capacité de nous faire avancer parce qu'elle construit des catégories fermées, définitives et ne permet pas la remise en question.

      Je pense plus simplement que pour ceux qui suivent la voie écologique il y a pertinence à le faire, et que pour ceux qui ne la suivent pas il n'y a pas pertinence à le faire. Autrement dit, ce n'est qu'une question de contexte. C'est d'ailleurs ce que j'ai tenté d'avancer en disant que personne n'était parfait sur ce point. Pouvons-nous affirmer, tous, que nous nous priverions du gain de plusieurs milliers/millions d'euros pour une légère pollution de notre activité? Notre fainéantise (et donc notre égocentrisme) ne l'a-t-elle jamais emporté dans une décision où nous aurions pu avoir un impact moins néfaste pour notre environnement? N'y a t-il donc pas, entre nous et ces multinationales dont on parle, seulement une différence d'échelle et pas de nature?

      N'est-ce pas plutôt à l'intelligence de tous qu'il faut faire appel pour rééquilibrer notre impact sur la planète au lieu de miser sur une légifération autoritaire à l'endroit d'un groupe, et même d'une personne si on le pouvait, qui ferait office du parfait coupable et qui nous déculpabiliserait tous par la même occasion. En d'autres termes : est-ce la seule vénalité du dirigeant capitaliste qui est responsable de la pollution qu'il produit? N'est-ce pas aberrant, lorsqu'on sait qu'une multinationale a causé des désastres écologiques immenses, de continuer à consommer chez elle? Notre pouvoir, notre responsabilité citoyenne n'est-elle pas en jeu ici? N'avons nous jamais eu l'information pour agir en conséquence ou bien avons-nous pris cette décision de consommer tout de même chez lui, et donc d'accroitre son potentiel pouvoir polluant, tout simplement parce que ça nous semblait pertinent ou plus aisé de le faire à notre échelle individuelle à ce moment là?

      Doit-on seulement diaboliser les pollueurs ou bien aussi nous demander à quel niveau nous participons, à notre échelle et par l’intermédiaire de notre pouvoir de consommation, à la pollution qu'ils produisent? Il y a un passage dans mon autre post sur les conférences audio de Michel ONFRAY sur le pouvoir. Il y cite La Boétie : "Le pouvoir n'existe que parce qu'on y consent". N'est ce pas là une première et intelligente démarche que l'on pourrait travailler, de ne pas consentir à ces activités écologiquement néfastes? N'est ce pas également le meilleur moyen de faire comprendre ce qui est juste, cette voie vers laquelle on aimerait se diriger, à ces grands groupes qui ne le comprenne pas aujourd'hui, et qui ne voient en toute logique pas ce qu'il y aurait de pertinent à le comprendre.

      Supprimer
  2. Une brève réponse pour alimenter ce débat :

    Effectivement La Boétie parlait du combat inégal dans ces termes : "Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux". Donc on peut considérer qu'il en est de la responsabilité de chacun d'inverser le processus. Pour autant,sans dédouaner la responsabilité individuelle, je considère que le système établi favorise voire empêche le mouvement.

    L'écologie est sortie des discours, des informations depuis la fameuse crise économique. Néanmoins, les enjeux sont toujours présents. Et une des réponses à cette crise est bien la transformation écologique de notre société. Or, celle-ci se heurte à de puissants lobbys alors que la population est consciente et prête à modifier son mode de vie.

    Dès lors, la conscientisation, l'éducation populaire sont des leviers importants pour permettre ce changement.

    A méditer ;)

    Romain

    RépondreSupprimer

Merci d'indiquer un nom qui nous permettrait de savoir qui vous êtes en sélectionnant l'onglet "nom/URL"