Tryptique au Louvre : Mars 2011

Teste proposé par Neïké à la suite de la sortie au Louvre

Saint Sébastien (Andrea Mantegna, 1480)

Sébastien est un chrétien vivant à l’époque de l’empereur romain Dioclétien (IVème). À Rome, il est pris en affection par l’empereur Dioclétien qui le nomme capitaine de la garde prétorienne, ignorant qu'il est chrétien. On rapporte que Sébastien encouragea dans leur foi et au glorieux martyre deux prisonniers chrétiens, alors que leur famille les implorait de renoncer au Christ. En rendant miraculeusement la parole à une femme, Zoé, il convertit aussitôt 77 personnes présentes.
En l'apprenant, Dioclétien reprocha à Sébastien sa traîtrise et donna à ses soldats l'ordre de l'exécuter en le transperçant de flèches. « Et les archers le frappèrent jusqu'à ce qu'il soit recouvert de flèches comme un hérisson est couvert d'épines ». Selon la légende, les archers, qui avaient beaucoup d'estime pour leur chef, auraient évité de viser le cœur, si bien que Sébastien ne succomba pas à ses blessures. Soigné par une jeune veuve nommée Irène, rapidement rétabli, il se rendit auprès de l'empereur pour lui reprocher sa cruauté à l'égard des chrétiens. Dioclétien le fit alors rouer de coups jusqu'à la mort et ordonna que son corps soit jeté dans les égouts de Rome.




I) Un tableau réaliste : une description clinique du martyre

-flèches sous la peau, perles de sang, tâches de sang, sang tombe sur les pieds ; les cordes déforment les bras, visages ridés par la méchanceté


II) Des éléments équivoques :
-attitude impassible de St Sébastien (corps debout, pas de signes de convulsion ou de faiblesse), visage traduit sentiments souffrance et espérance
- lieu : paysage antique en ruines, Nature reprend ses droits (figuier, lierre grimpant), pied de statue (vestige) en // pied du saint
- une ville imaginaire : forum (lieu du marché dans les villes antiques), colonnes renversées, centaures sur les bas-reliefs, ville moderne sur les hauteurs d’un relief vertigineux


IV) Clefs de compréhension de ces éléments : une habile mise en scène

- fenêtre sur la scène du martyre : personnages grandeur nature (2.5m), cadre rouge imitant le porphyre évoque une fenêtre creusée à travers la pierre ; porphyre symbolise le sang du Christ et les empereurs romains depuis Dioclétien (IVème siècle) qui a demandé la mise à mort de Sébastien.

Notre œil est guidé :
1) corps au centre, mis en valeur par la colonne et plus lumineux que le reste
2) flèches et bourreaux (regard mis sur des rails par canules de la colonne, ligne des muscles, orientation des flèches et les coulées du sang
3) cordes pointent vers la ville, arc s’insère dans le chemin
4) forum surélevé monte vers le fond (4 étages vs 6)
5) montée au ciel ds un mouvement sinueux
6) descente le long du bras vers le sol


Ce parcours peut s’expliquer par 3 sens :
- littéral : Scène située juste après le départ des archers montre dignité du saint quasiment au moment du martyr et sa survie.
Présence de vestiges romains cohérents, chapiteau de la colonne ressemble à ceux du temps de Dioclétien ; ruines correspondent au texte de la légende selon laquelle Sébastien aurait brisé des idoles (abandon des dieux païens et conversion au christianisme)

- symbolique : saint apparaît comme figure protectrice de la ville contre la peste (flèches représentent alors la maladie à laquelle Sébastien fait bouclier par sa foi tout en restant en bonne santé) ; archers pas des bourreaux mais des soldats

- religieux : faire de st Sébastien une statue vivante qui remplace la statue détruite de la Rome antique ; corps présente léger déhanché typique des canons esthétiques grecs et romains, peau pâle comme du marbre, buste épargné par les flèches pour ressembler à un buste antique : en subissant le martyre, st Sébastien manifeste une force spirituelle supérieure à celle de païens romains. Tableau manifeste admiration pour civilisation antique dont les ruines st représentées avec beauté, mais aussi affirmation du dépassement de cette civilisation par l’esprit chrétien (figuier symbolise l’Eglise et sandale représente chute des empereurs).
3 villes d’autant plus modernes qu’elles sont proches du ciel



Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu ou Le Combat de l’Amour et de la Chasteté (Andrea Mantegna, 1502)

I) Un bestiaire des plus surprenants
Des êtres mi-homme, mi cheval, avec des cornes, une barbiche, des oreilles d’elfe ; des personnages effrayants, parfois monstrueux ; de petits anges ailés, certains à tête de chouette ; un singe et un arbre anthropomorphes ainsi que de mystérieux visages dans les nuages… Voici quelques-uns des personnages des plus surprenants que l’on peut trouver pêle-mêle dans ce tableau qui semble dépeindre un rêve des plus loufoques. Mais qu’avait donc l’artiste en tête pour peindre un tel tableau, commandé par Isabelle d’Este en pour son Studiolo à Mantoue ?
II) Clefs pour comprendre : inscriptions et symboles
Le sujet du tableau est donné par le titre de l’œuvre : Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu.
Nous accédons donc ici à un premier niveau de compréhension du tableau : Minerve, déesse romaine de la sagesse, des sciences et des arts, mais aussi de la guerre, pénètre en combattante dans le jardin des Vertus, envahi par les Vices, pour les chasser. Diane, que l’on reconnaît à son arc, la précède, précédée par une troupe d’Amours.
Les trois femmes présentes dans la partie supérieure du tableau et qui suivent la scène du haut d'un nuage représentent la Justice, la Tempérance et la Force. On peut les identifier grâce à leurs attributs : la Force avec sa massue, sa colonne et sa peau de lion d'Hercule (le célèbre lion de Némée), la Tempérance tenant deux vases et la Justice portant un glaive et une balance.
La plupart des Vices présentés sont identifiés par des phylactères ou aisément reconnaissables: la Vénus sensuelle debout sur un Centaure (symbole de la Luxure), dénudée et moqueuse. À gauche du plan d’eau, Oisiveté ou Paresse (représentée sans bras) est attachée et tirée par Inertie, à droite Avarice et Ingratitude portant la grasse Ignorance couronnée, suivies par un satyre (symbole de la brutalité érotique de la jeunesse).
A gauche de la scène, Daphné changée en arbre, levant les branches qui lui tiennent lieu de bras, assiste impuissante à la scène. Un phylactère s'enroule autour d’elle, portant une inscription en latin, grec et hébreu: « Venez, divines compagnes des Vertus, descendues du ciel pour chasser de nos jardins les Vices monstrueux ».
D’autres figures demeurent inexpliquées, autant que la mystérieuse montagne escarpée et flamboyante qui domine la composition.
Notons que les nuées anthropomorphes pourraient représenter le mensonge, car comme les nuages, leur aspect change.

III) Un tableau allégorique magnifiant les vertus chrétiennes

Le christianisme considère que les quatre vertus cardinales (prudence, tempérance, force et justice) jouent un rôle central (d'où leur nom de « cardinales », du latin cardo : charnière, pivot) dans l'action humaine. Il s'agit donc d’une allégorie morale placée dans un cadre de représentation mythologique (Minerve, Daphné, Amours, Vénus, Diane). Notons que dans les œuvres d'art de la Renaissance, les vertus sont généralement représentées sous les traits de femmes, ce qui renvoie à la conception traditionnelle de la femme pure, fragile et vertueuse. En s’appuyant sur la mythologie gréco-romaine, Mantegna témoigne donc à nouveau de son admiration pour l’Antiquité et magnifie les vertus chrétiennes de son temps.

La vierge, l’enfant Jésus et sainte Anne (de Vinci, 1508-1510)


I) Une scène de tendresse filiale

L'origine de l'œuvre serait une commande du roi de France, Louis XII, pour célébrer la naissance de sa fille unique Claude en 1499 (Anne est le prénom de sa femme).
4 personnages: au centre, la Vierge assise sur les genoux de sainte Anne, sa mère. À ses pieds, sur la droite en bas du groupe, l’Enfant Jésus qui enlace un agneau, semble s’échapper des mains de sa mère. Les sourires délicats et la technique du « sfumato » (fumé, en italien) renforcent l’impression de tendresse et de douceur qui se dégage du tableau.

II) Une composition soignée

L’œuvre réunit dans un paysage sainte Anne, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus, soit trois générations, dont deux issues de conception divine. La disposition pyramidale des personnages forme un triangle familial dont Sainte Anne, la grand mère du Christ, est le sommet.
S’inscrivent également dans cet espace triangulaire l’entrelacement des courbes formées par les membres, épaules et bras des personnages. Tout en conservant des gestes naturels, les figures s’emboîtent les unes dans les autres : le bras droit d’Anne se confond avec celui de Marie, dont la tête recouvre l’épaule de sa mère, le bras gauche de Marie est prolongé par celui du Christ. Cet enchaînement est porteur de sens : il exprime l’idée de descendance ainsi que la parenté divine de Sainte Anne, de sa fille, la Vierge et du Christ.
Deux zones chromatiques emboîtées, l’une aux couleurs chaudes : la robe de la Vierge, le sol comme l’environnement naturel immédiat, l’autre de couleurs froides, le ciel, la montagne, les eaux, la robe de sainte Anne et le manteau de la Vierge. Les motifs se répondent : les boucles de l’enfant font écho à celles de l’Agneau et de la Vierge, le drapé des vêtements évoque les reliefs aigus des montagnes ainsi que les stratifications des roches.
Si sainte Anne est statique, hiératique, assise, campée sur ses jambes, un bras en appui sur la hanche, Marie adopte une pose plus dynamique, tendue vers Jésus. Notons le jeu de regards entre les protagonistes de la scène : Anne regarde Marie qui regarde Jésus qui la regarde à son tour, comme l'agneau qui le regarde. Ce choix dans l’orientation des regards permet d’équilibrer la composition, tout comme la disposition des personnages nous entraîne vers le bas du tableau : les têtes des quatre personnages sont alignées en une diagonale tombant vers la droite ; les deux femmes regardent l’enfant, déplaçant l’attention du centre vers la droite de la composition.


III) Sens caché de l’œuvre

Initialement (on le voit sur les cartons préparatoires) c'est saint Jean enfant qui doit apparaître à la droite comme quatrième personnage ; il est ici remplacé par un agneau dans la composition finale, présageant le drame final, la Passion et la mort du Christ, nouvel agneau de Dieu (agnus dei).



P.S: pour ceux qui n'auraient pas (encore) compris le titre de cette sortie, il s'agissait de présenter 3 tableaux, avec une analyse en 3 parties, sur des thèmes en rapport avec la religion chrétienne, dont le chiffre 3 est hautement symbolique (Trinité...).

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